jeudi 8 avril 2010

Altermondialisme. Ci-gît le capitalisme…











Le capitalisme est-il en train d’agoniser sous nos yeux ?
L’Américain Immanuel Wallerstein n’en doute pas une seule seconde.
Pour cet universitaire aussi écouté dans les enceintes académiques que dans les milieux altermondialistes, l’heure n’est plus à se demander si notre système économique a un avenir.
Il s’agit carrément de se préparer à sa succession...

Immanuel Wallerstein (1)


« Le capitalisme est un système de contre-marché », expliquait déjà l’historien français Fernand Braudel (2). Il n’est donc pas un système de marché. Et pour cause : la concurrence parfaite anéantit le profit. Seule une situation de monopole permet d’accumuler du capital.
Or, tel est bel et bien le but essentiel du capitalisme.
Comment, en effet, le définir autrement que par cette caractéristique fondamentale ?
Par la présence de producteurs qui vendent sur un marché afin de dégager du profit ?
Par l’existence d'un salariat ?
De telles approches ne tiendraient pas la route.
Car tout cela existait déjà dans la seconde moitié du XVIe siècle.
C’est-à-dire avant même l’apparition du capitalisme…
On ne peut donc parler à bon droit de celui-ci que dans le cas où un système se concentre prioritairement sur l’objectif d’une accumulation illimitée du capital.
Avec, dans la foulée, l’apparition d’une série de mécanismes structurels aux effets pénalisants pour tout qui entend suivre une autre logique.

Tricycle capitaliste…

L’économiste russe Nikolaï Kondratiev (3) parlait de cycles longs qui ponctuent la conjoncture des pays capitalistes et voient s’alterner des phases d’une durée de 25 à 30 ans successivement marquées par une hausse, par une stagnation, puis par une baisse de l’activité économique…
. La phase 1 se caractérise par une situation de quasi-monopole. Elle correspond, sur le plan micro-économique, à la mise sur le marché d’un produit par une entreprise.
. La phase 2 renvoie à un contexte de concurrence. A ce stade, le prix du produit en question commence à diminuer. Et sa marge bénéficiaire tout autant. Sa commercialisation se fait donc de moins en moins intéressante. L’entreprise tend alors à sabrer dans les coûts de transaction et de personnel. Et le capitalisme de « changer son fusil d’épaule ». En délocalisant tout d’abord. Puis en cherchant à faire du profit financier.
Ce deuxième cycle n’a rien d’anormal. Il s’inscrit dans la logique du système. En son sein, une hégémonie réelle est toujours provisoire. D’où une perpétuelle impermanence. Celle-ci se retrouve d’ailleurs sur le plan géopolitique. Quand une puissance peut se prévaloir d’un quasi-monopole, elle en arrive systématiquement, un jour ou l’autre, à céder aux sirènes de l’utilisation de la force militaire. Ce qui, paradoxalement, ne peut que lui être préjuduciable. Car cette force tend toujours à s’auto-détruire. Pour une simple et bonne raison : dès qu’il se décide à mettre ses menaces à exécution, un pouvoir politique en vient à montrer qu’il est moins efficace que préalablement escompté.
. Mais revenons à nos moutons spécifiquement économiques. Et plus particulièrement au troisième cycle de Kondratiev. Qui, pour les Occidentaux que nous sommes et en ce début de XXIe siècle qui est le nôtre, est marqué de caractéristiques aussi singulières qu’irrémédiables…

Diagnostic fatal

C’est ce que j’appelle une crise. Entendons-nous bien. Je n’utilise pas ce terme dans le sens galvaudé qui est si souvent le sien. Il ne s’agit pas ici de qualifier une période simplement difficile de la vie du système capitaliste. Non ! Quand je parle de crise, c’est pour désigner quelque chose qui arrive à une seule et unique reprise dans l’histoire d’un système.
Ma crise à moi n’a donc rien de conjoncturel. Elle est bel et bien structurelle. Elle désigne l’apparition de difficultés rédhibitoires. Qu’il n’est plus possible de résoudre dans le cadre du système. Et qui contraignent donc à le dépasser. Il se produit alors ce que les physiciens appellent une « bifurcation ». Les fluctuations deviennent violentes. La situation vire au chaos. Et les problèmes se font incontrôlables. Jusqu’à forcer l’ouverture d’une période de transition.
C’est à un tel stade que se situe le capitalisme. Après cinq siècles de – plus ou moins – bons et loyaux services, le « système-monde » capitaliste, se retrouve en phase terminale. Il touche à sa fin… (4)(5)

Immanuel Wallerstein


(1) L’Américain Immanuel Wallerstein est historien, sociologue et économiste. Il a enseigné à l’Université Columbia (New York), à l’Université McGill (Montréal) et à l’Université de Birmingham (New York). Il travaille aujourd’hui pour l’Université de Yale et pour la Maison des Sciences de l’Homme (Paris). Il a notamment écrit Comprendre le monde. Introduction à l’analyse des systèmes-monde, La Découverte, Flammarion, Paris, 2006.
(2) 1902-1985.
(3) 1892-1938 .
(4) Première partie du compte-rendu de la conférence donnée par Immanuel Wallerstein, le 4 mars 2010, à l’Université Libre de Bruxelles, dans le cadre du cycle « Cultures d’Europe ». En cas d’intérêt, on se référera utilement à l’interview préalablement accordé par l’intéressé au quotidien Le Soir pour parution le même jour («Le système capitaliste est en phase terminale», p.16).
(5) Pour suivre (sous réserve d'éventuels changements de dernière minute) :
. « Altermondialisme. Feu le capitalisme… » (Immanuel Wallerstein),
. « Economie. Décroissance au petit déjeuner… » (Christophe Engels),
. « Economie. Changement de cap. » (Isabelle Cassiers),
. « Economie. Le tri de la croissance. » (Isabelle Cassiers),
. « Economie. Ce qui compte et ce que l'on compte. » (Isabelle Cassiers et Géraldine Thiry),
. « Economie. Dégrippons la boussole! » (Isabelle Cassiers)...

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