jeudi 7 octobre 2010

Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) Anthropomorphisme, quand tu nous tiens...


Pour l'homo oeconomicus, y a-t-il une vie au-delà de l'égoïsme et de la raison intéressée?
Et l'existence d'une Responsabilité Sociale des Entreprises digne de ce nom ne dépend-t-elle pas de la réponse à cette question?
Pas si simple, assure le belge Benoît Frydman (1)...


«La théorie économique nous a appris à concevoir les entrepreneurs sous les traits de l’homo oeconomicus, c’est-à-dire d’un être égoïste et rationnel, qui ne se soucie que de maximiser son profit personnel, en limitant autant que faire se peut sa responsabilité, explique dans son dernier livre (2) ce philosophe du droit de l'Université Libre de Bruxelles qu'est Benoît Frydman.
Or, le discours sur la responsabilité sociale invite cet agent économique "pur" qu’est l’entreprise à poursuivre audacieusement des fins altruistes, en assumant des responsabilités d’autant plus larges qu’elle sont définies en termes vagues (contribuer au bien-être collectif ou à l’intérêt général), autrement dit à se comporter de manière irréfléchie, déraisonnable et même dangereusement contraire à sa nature même.
Un tel discours suppose, semble-t-il, soit qu’on prête une âme aux entreprises, soit qu’on les considère comme véritables sujets de droits et d’obligations, mais aussi sujets de moralité, voire sujets politiques.
Le philosophe aura tôt fait de constater là les effets d’une confusion des genres et des catégories, d’un anthropomorphisme pris au piège d’une vieille métaphore juridique.
Mais peut-être faut-il aller plus loin que cette première analyse, finalement rassurante parce qu’elle nous conforte dans des certitudes acquises de longue date, et prendre la peine et le risque d’aller y regarder de plus près pour tenter de comprendre le sens des pratiques et des discours qui sont en train de se multiplier et de se répandre.»

(A suivre)

(1) Benoît Frydman est directeur du Centre Perelman de Philosophie du droit, à l'Université Libre de Bruxelles. Son dernier livre, dont est tiré l'extrait ci-dessus, sert de fil rouge au cycle 2010-2011 de l'a.s.b.l. Philosophie et Management. Plus de détails sur http://www.philosophie-management.com/.
(2) Frydman Benoît, Responsabilités des entreprises et corégulation, Bruylant, Bruxelles, 2007.
(3) Extrait du livre co-écrit par Benoît Frydman: Responsabilités des entreprises et corégulation, op citem.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire