mardi 29 mars 2011

Monnaie sociale. Marché: oui, mais...


Jérôme Blanc (1) et Cyrille Ferraton (2) persistent et signent.
Il existe plusieurs types de monnaie sociale.
Place, ici, à une deuxième catégorie (3):
celle des «LETS à dominante marchande».
Où l’on considère que l’actuel système économique
n’a pas que de mauvais côtés.
Pourquoi, donc, jeter le marché avec l’eau du bain?

Jérôme Blanc et Cyrille Ferraton

Les LETS (4) à dominante marchande, que l’on trouve en particulier dans les pays anglo-saxons (Canada, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande) entretiennent des rapports plus étroits avec l’économie marchande et ne refusent pas l’équivalence entre monnaie nationale et monnaie interne.
Il s’agit en fait de reproduire à un niveau local une organisation par le marché en créant une monnaie ad hoc.
A la différence des LETS à dominante réciprocitaire, ils visent à combler les déficiences du système économique en luttant contre la pauvreté par une rationalisation des échanges.
L’introduction d’une nouvelle monnaie au sein d’un groupe social volontaire permet de développer un échange multilatéral rationalisé d’une part, et de constituer des relations de confiance par l’appartenance au groupe, la connaissance des personnes du groupe et la formalisation monétaire des liens d’autre part.

Meilleur marché…

Ce type de LETS répond a priori mieux au principe économique de l’économie solidaire que dans le cas précédent; leur but consiste en effet à redonner aux activités économiques un dynamisme contraint dans l’organisation marchande par le poids que les modalités d’accès au crédit font peser sur l’approvisionnement en monnaie nationale des agents.
Pousser la logique de ce type de LETS revient en particulier à développer deux éléments que l’on ne rencontre pas dans les LETS à dominante réciprocitaire et qui impliquent une convertibilité partielle de la monnaie de LETS.
. Le premier élément consiste en des échanges inter-LETS, à savoir des échanges entre membres de LETS différents.
Ils peuvent se développer au travers de trois procédures distinctes, selon le degré d’organisation de ce type d’échanges: soit en laissant les personnes adhérer à plusieurs LETS (ce qui ne donne pas lieu véritablement à des échanges inter-LETS), soit en ouvrant un compte de correspondant dans chaque LETS où figurent les débits et les crédits liés aux échanges extérieurs effectués par les membres du LETS, soit enfin en ouvrant pour chaque membre de LETS un deuxième compte auprès d’un registre central des LETS.
. Le second élément consiste à autoriser les échanges bimonétaires, c’est-à-dire à autoriser que des échanges soient réglés pour partie en monnaie de LETS et pour partie en monnaie nationale, notamment pour permettre que des professionnels soient intégrés au dispositif.
De fait, cette dernière perspective donne aux échanges pratiqués dans les LETS à dominante marchande un poids potentiellement plus important que dans les LETS à dominante réciprocitaire, limités par l’inconvertibilité de la monnaie interne; on comprend alors mieux comment les LETS à dominante marchande entendent lutter contre la pauvreté et pourquoi ils inscrivent leurs actions dans le cadre du principe économique de l’économie solidaire.
Ils ne portent pas un regard critique comme les SEL français notamment sur l’organisation marchande, mais en font même leur principe de fonctionnement à un niveau local.
Les problèmes de sous-emploi, de pauvreté, etc. affectant l’économie sont moins des conséquences des échanges marchands qu’une mauvaise affectation et circulation de la monnaie nationale.
La solution consiste alors à réorganiser le marché sur des bases locales afin de contrôler les flux de richesses entre le local et l’extérieur. (5)(6)

(A suivre)

Cyrille Ferraton et Jérôme Blanc

(1) Jérôme Blanc est docteur en sciences économiques (1998) et maître de conférences en sciences économiques à l’Université Lumière Lyon 2 (depuis 1999). Ses travaux portent sur la monnaie, qu’il aborde principalement du point de vue des pratiques et de l’histoire des idées. S’intéressant à la pluralité des monnaies, il a publié Les monnaies parallèles. Unité et diversité du fait monétaire (L’Harmattan, Paris, 2000). Il travaille en particulier sur un aspect de la pluralité monétaire, à savoir les monnaies sociales, locales ou complémentaires. À ce sujet, il a coécrit Une économie sans argent: les systèmes d’échange local (SEL) (dirigé par J.-M. Servet, Seuil, Paris, 1999) et dirigé Monnaies sociales: Exclusion et liens financiers, rapport 2005-2006 (Economica, Paris, 2006). En matière d’histoire des idées, il dirige avec Ludovic Desmedt l’ouvrage collectif Idées et pratiques monétaires en Europe, 1517-1776 (à paraître). À partir du cas des monnaies sociales, ses travaux portent aussi sur l’économie sociale et solidaire. Il est membre du Réseau inter-universitaire de l’économie sociale et solidaire (RIUESS, http://www.riuess.org/) et fait partie du comité éditorial de l’International Journal of Community Currency Research (IJCCR, http://www.uea.ac.uk/env/ijccr/).
(2) Cyrille Ferraton est docteur en sciences économiques et maître de conférences à l'Université Paul Valéry de Montpellier III. Ses principaux thèmes de recherche portent sur l'économie sociale et solidaire (en particulier la finance solidaire) et l'économie institutionnaliste. Il a travaillé en 2004-2005 sur un programme de recherche européen portant sur la création d'emploi dans les services à la personne. Il a publié L'enquête inachevée: introduction à l'économie politique d'Albert Hirschman (avec Ludovic Frobert, Paris, PUF, 2003), Associations et coopératives. Une autre histoire économique (Erès, Paris, 2007), L'Institutionnalisme de Gunnar Myrdal en question (ENS, Paris, 2009) et La Propriété. Chacun pour soi? (Larousse, coll. Philosopher, Paris, 2009).
(3) La première catégorie, celle des «LETS à dominante réciprocitaire», a fait l’objet du pénultième message de ce blog: «Monnaie sociale. Marché: non, merci!».
(4) Pour rappel, nous considérons, sauf mention contraire, «LETS» comme le terme générique désignant ces associations; lorsque nous traitons de leur déclinaison anglo-saxonne, nous précisons «LETS anglo-saxons» et lorsque nous traitons de leur déclinaison française, nous précisons «SEL français».
(5) Ce message est extrait du texte : Blanc Jérôme et Ferraton Cyrille, Une monnaie sociale? Systèmes d’Échange Local (SEL) et économie solidaire, 2001. Les titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction. Avec l’aimable autorisation des auteurs, que nous remercions. Le texte original a d’abord été présenté lors des Deuxièmes Journées d’Etude du LAME, «Économie sociale, mutations systémiques et nouvelle économie», Reims, 29-30 novembre 2001. Il est ensuite paru dans l’ouvrage collectif (actes du colloque): G. Rasselet, M. Delaplace et E. Bosserelle (coord.), L’économie sociale en perspective, Presses Universitaires de Reims, Reims, 2005, pp.83-98.
(6) Pour suivre:
. «Monnaie sociale. Oyez, citoyens...»,
. «Monnaie sociale. LETS béton…»,
. «Monnaie sociale. En résumé, je vous le dis…».

jeudi 24 mars 2011

Actu. Actions alternatives: bientôt l'interro !

Comment favoriser l’émergence d’actions alternatives?
Loin de se contenter de poser la question,
RECIT et ATTAC
organisent un cycle de formation sur le sujet.
Prochainement à Paris.

L’objectif de ce cycle est de former des militants capables de jouer le rôle de relais et d'animateurs locaux en matière d’actions alternatives sur le terrain.
Histoire de pouvoir répondre aux besoins locaux et/ou lancer une mobilisation sur ce thème.
La formation, qui additionnera deux sessions (l'une, indispensable, les 2 et 3 avril, l'autre, facultative, à l’automne), s’appuiera à la fois
. sur les réflexions d’ATTAC en matière d’articulation entre l’émergence d’alternatives globales et d’alternatives locales,
. sur l’expérience acquise par RECIT, notamment à travers le parcours des alternatives.
Elle est ouverte à tous. (1)

En bref
Quoi?
Cycle de formation sur le thème «Comment favoriser l’émergence d’actions alternatives?».
Qui?
RECIT et ATTAC.
Quand?
Une première session est organisée les samedi 2 et dimanche 3 avril 2011.
Une autre aura lieu à l’automne en fonction des priorités qui se seront préalablement dégagées.
Où?
Dans les locaux de Sud PTT,
25 rue des Envierges,
75019 Paris.
Combien?
«Nous n’avons malheureusement pas les moyens de payer les frais de déplacement ou d’hôtellerie aux participants. Nous pouvons en revanche organiser un hébergement solidaire le samedi soir et éventuellement le vendredi soir. Le repas du samedi midi sera de type auberge espagnole, chacun apportant un plat ou une boisson.»
Mais encore...
Ce cycle est ouvert à tout qui se montre intéressé et souhaite agir concrètement sur le terrain.
Il est nécessaire de suivre l’intégralité des deux premières journées.
Inscription: renvoyer un mail avec vos coordonnées (nom prénom, activité, téléphone, mail adresse) à erika@recit.net, en indiquant éventuellement vos attentes plus particulières.

(1) Pour suivre (sous réserve d'éventuelles modifications de dernière minute):
. «Monnaie sociale. Marché: oui, mais...»,
. «Monnaie sociale. Oyez, citoyens...»,
. «Monnaie sociale. LETS béton…».

lundi 21 mars 2011

Monnaie sociale. Marché: non, merci !

Il y a monnaie sociale
et monnaie sociale,
considèrent

Cyrille Ferraton (1)
et Jérôme Blanc (2).
Qui s’attardent
d'abord
sur une première
catégorie.
Celle des
«LETS à dominante réciprocitaire».
Adeptes
de la modération tamisée, s’abstenir!
Car ce qu'évoque
ici l'économie marchande,
c’est la sécheresse de l'impérialisme utilitaire,
sinon le cynisme de l'envahisseur matérialiste,
voire même le trou noir de la perfidie monétaire.
Nom d'un filigrane, n'insistez donc pas!
Le marché, c'est non!
Cent fois non!
Mille fois non!

Cyrille Ferraton et Jérôme Blanc

Les tenants de LETS (3) à dominante réciprocitaire (fondateurs, organisateurs ou simples membres), dont on peut identifier les principes dans la plupart des SEL français (4), conçoivent les LETS comme non monétaires et ne lui assignent pas pour objectif principal de subvenir aux besoins économiques de leurs membres mais de promouvoir un échange affectif où celui qui fournit et celui qui reçoit sont liés au-delà de l’échange et de son règlement.
Les LETS visent par conséquent à développer des rapports sociaux différents et alternatifs aux relations marchandes, considérées comme dominantes voire envahissantes au sein des sociétés contemporaines.
L’équivalence de l’unité interne avec la monnaie nationale est en conséquence refusée, l’objectif étant de promouvoir un autre système de valeurs. (5)
La constitution de ce type de LETS procède avant tout d’une fin sociale passant par le double refus, car estimés affiliés, de la monnaie et de l’échange marchand.
Comment alors concevoir l’échange et l’estimation des échanges dans des LETS où l’on refuse monnaie et marché?
Ce qui apparaît le plus fréquemment est
. soit de fonder la valeur des biens et services sur le temps passé à les produire,
. soit de demeurer dans un certain flou sur l’estimation et mettre l’accent sur la dimension réciprocitaire des échanges promus au sein du LETS.

Le temps, c’est de l’argent…

On trouve en particulier les Banques du temps italiennes dans la première orientation, ainsi que certains SEL français et Tauschring allemands.
Elle fait a priori des LETS une organisation en parfaite adéquation avec les visées politiques de l’économie solidaire.
Elle renoue en premier lieu avec la pensée du socialisme associationniste (6) et les pratiques associationnistes de la période 1830-1848, auxquelles l’économie solidaire se réfère aujourd’hui (7).
L’une des idées forces de cette pensée socialiste tient à la rétribution du travail par l’intégralité de son produit; autrement dit, pour reprendre la conceptualisation de l’époque, la valeur du produit est intégralement reversée au facteur travail sans prélèvement d’aucune sorte.
Cette orientation privilégiée par certains dispositifs actuels assure dans le même temps un traitement égalitaire des membres composant le cercle d’échanges.
Enfin, la richesse se mesure moins dans cette perspective à l’aune de la quantité de monnaie détenue que du temps que chaque participant est prêt à consacrer à la production, puisque c’est le temps qui fait la valeur. (8)
Mais ce type de fonctionnement ne suffit pas toujours à garantir ces derniers objectifs en ce sens que la réintroduction d’une équivalence entre monnaie nationale et monnaie de LETS reste parfaitement envisageable, d’autant plus que, l’expérience owénienne ainsi que les théories classiques de la valeur-travail le montrent, il est très difficile de fixer la valeur des choses en temps de travail, en-dehors des services (et encore, il reste pour ceux-ci la question des biens utilisés pour produire des services).
Au total, il demeure impossible de s’assurer que la valeur du temps de travail n’est pas calquée sur la monnaie en cours dans l’économie et, in fine, sur l’organisation marchande de l’économie. (9)

A charge de revanche…

La seconde orientation cherche à éviter cet écueil en promouvant une organisation réciprocitaire des échanges au sens de Polanyi.
Elle implique qu’aucune équivalence ne s’institue entre la monnaie de LETS et la monnaie nationale.
Le développement d’une mesure et d’une comptabilisation des échanges par l’intermédiaire d’une unité interne (que, dans ces LETS, un nombre certain refuse de considérer comme une monnaie) constitue un cadre formel dans lequel la confiance nécessaire aux échanges peut s’établir aisément.
La personnalisation des échanges dans ce cadre doit contribuer à la reconnaissance, pour chacun des membres, de leur appartenance commune à la microsociété constituée par le LETS.
Dans cette seconde orientation, le prix ne joue pas la fonction qui lui est attribuée dans les rapports marchands.
Il ne reflète en effet pas le rapport entre l’offre et la demande du bien ou du service mais la qualité de la relation nouée entre les échangistes.
Le prix représente alors une estime de l’autre.
Selon affinité, les montants pourront devenir des «prix d’amis», c'est-à-dire la marque de la volonté ou non de prolonger le lien au-delà de l’échange. (10)
Cette démarcation vis-à-vis de la fonction marchande des prix se traduit par le rejet du terme même, au profit de termes comme «montant» ou «somme».

Economie solidaire ou solidarité… sans économie ?

Quelle que soit l’orientation choisie, les LETS à dominante réciprocitaire visent non pas à satisfaire les besoins économiques mais à promouvoir le développement de comportements réciprocitaires entre leurs membres.
En ce sens, ils répondent bien au principe politique de l’économie solidaire en développant une organisation économique s’appuyant sur des mécanismes politiques égalitaires et participatifs; la création d’un LETS ne peut s’effectuer en effet sans un engagement volontaire préalable de ses membres, tout autant que son mode de fonctionnement implique des actions réciproques continuelles.
Les initiatives de l’économie solidaire partent d’engagements volontaires autour d’un projet commun dans lequel toutes les personnes concernées trouvent des moyens de socialisation et d’intégration sociales en même temps qu’un espace social à l’intérieur duquel elles exercent des actions solidaires ne procédant ni d’activités marchandes ni de pratiques de solidarité publique redistributive.
Le fonctionnement des LETS à dominante réciprocitaire rend bien compte de cette dimension politique de l’économie solidaire.
Ce qui fait peut être la spécificité des LETS parmi d’autres expériences est l’importance accordée à la convivialité et à l’esprit ludique, qui se retrouvent à travers les noms de l’unité d’échange (un sourire, une pistache), mais aussi dans les bourses d’échanges où l’on «joue à la marchande», au travers de repas collectifs…
La dimension politique des LETS est indissociable d’un esprit de convivialité, et l’on pourrait ajouter qu’il s’agit d’une forme moderne de la philia d’Aristote, en tant que sympathie réciproque des membres de la cité.
A l’inverse, le principe économique ne constitue pas une priorité de ce type de LETS; il s’agit moins de lutter contre la pauvreté que contre les formes d’exclusion et d’isolement sociaux qu’induit l’organisation marchande de l’économie.
On est ainsi en présence d’un paradoxe: ces LETS répondent d’exigences de l’économie solidaire mais du point de vue politique, en refusant sa dimension purement économique. (11)(12)

(A suivre)

Jérôme Blanc et Cyrille Ferraton

(1) Cyrille Ferraton est docteur en sciences économiques et maître de conférences à l'Université Paul Valéry de Montpellier III.
Ses principaux thèmes de recherche portent sur l'économie sociale et solidaire (en particulier la finance solidaire) et l'économie institutionnaliste.
Il a travaillé en 2004-2005 sur un programme de recherche européen portant sur la création d'emploi dans les services à la personne.
Il a publié
. L'enquête inachevée : introduction à l'économie politique d'
Albert Hirschman (avec Ludovic Frobert, Paris, PUF, 2003),
. Associations et coopératives. Une autre histoire économique (Erès, Paris, 2007),
. L'Institutionnalisme de
Gunnar Myrdal en question (ENS, Paris, 2009),
. La Propriété. Chacun pour soi? (Larousse, coll. Philosopher, Paris, 2009).
(2) Jérôme Blanc est docteur en sciences économiques (1998) et maître de conférences en sciences économiques à l’Université Lumière Lyon 2 (depuis 1999). Ses travaux portent sur la monnaie, qu’il aborde principalement du point de vue des pratiques et de l’histoire des idées.
S’intéressant à la pluralité des monnaies, il a publié Les monnaies parallèles. Unité et diversité du fait monétaire (L’Harmattan, Paris, 2000).
Il travaille en particulier sur un aspect de la pluralité monétaire, à savoir les monnaies sociales, locales ou complémentaires. À ce sujet, il a coécrit Une économie sans argent: les systèmes d’échange local (SEL) (dirigé par J.-M. Servet, Seuil, Paris, 1999) et dirigé Monnaies sociales: Exclusion et liens financiers, rapport 2005-2006 (Economica, Paris, 2006).
En matière d’histoire des idées, il dirige avec Ludovic Desmedt l’ouvrage collectif Idées et pratiques monétaires en Europe, 1517-1776 (à paraître).
À partir du cas des monnaies sociales, ses travaux portent aussi sur l’économie sociale et solidaire. Il est membre du Réseau inter-universitaire de l’économie sociale et solidaire (RIUESS,
http://www.riuess.org/) et fait partie du comité éditorial de l’International Journal of Community Currency Research (IJCCR, http://www.uea.ac.uk/env/ijccr/)
(3) Pour rappel, nous considérons, sauf mention contraire, «LETS» comme le terme générique désignant ces associations; lorsque nous traitons de leur déclinaison anglo-saxonne, nous précisons «LETS anglo-saxons» et lorsque nous traitons de leur déclinaison française, nous précisons «SEL français».
(4) Voir, sur ce blog, le message du 11 mars dernier : «
Monnaie sociale. Passe-moi le… SEL!».
(5) Il faut noter toutefois que les SEL recommandent à leurs membres qui seraient artisans d’évaluer leurs services en appliquant une équivalence avec la monnaie nationale, cela en vue de se protéger d’éventuelles accusations de concurrence déloyale de la part des professionnels.
(6) Le socialisme associationniste (ou socialisme idéaliste, voir Barrère, 1994) se développe à partir du début du XIXe siècle jusque, approximativement, à la fin des années 1840 et regroupe en France principalement dans une première période C. Fourier, C. Saint-Simon, puis dans une seconde période P. Leroux, P. Buchez, V. Considérant et L. Blanc (voir aussi Gide et Rist, 1959). Au Royaume-Uni, R. Owen en est le principal promoteur.
(7) Laville J.-L., L’économie solidaire: une nouvelle forme d’économie sociale?, RECMA, 255 (53), 1er trimestre 1995.
(8) Les personnes les plus démunies, travaillant souvent peu dans l’économie marchande, se retrouvent potentiellement riches au sens des LETS en consacrant leur temps disponible à la production de biens et services (bien que dans les SEL français en particulier il ne soit jamais question de la production mais de l’échange, l’échange apparaissant comme l’acte même de la production : il est avant tout une production de lien social).
(9) On recherche en effet généralement une certaine plausibilité dans ce que vaut le temps. En France par exemple on considère souvent dans les SEL qu’une heure passée à un échange doit correspondre à 60 unités, ce qui répond à une valeur préexistante dans la mesure où l’on n’ignore pas qu’une heure de travail au SMIC équivaut, charges salariales comprises, à presque 60 francs. Notons que le système owénien des marchés équitables du travail (1832-34) souffraient de cet écueil car les biens étaient évalués en temps de travail, mais sur la base d’une équivalence formelle de 6 pence l’heure. Cette simple équivalence conduisait à ruiner l’objectif d’une déconnexion d’avec les valeurs en cours dans la société.
(10) Sur la dimension non-marchande des échanges, voir Malandrin G., Les Systèmes d’échange local: une monnaie sans échange marchand, Les Cahiers du GRATICE, n°17, Université Paris XII-Val de Marne, Paris, 1999, pp.153-168.
(11) Ce message est extrait du texte : Blanc Jérôme et Ferraton Cyrille, Une monnaie sociale? Systèmes d’Échange Local (SEL) et économie solidaire, 2001. Avec l’aimable autorisation des auteurs, que nous remercions. Les titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction. Le texte original a d’abord été présenté lors des Deuxièmes Journées d’Etude du LAME, «Économie sociale, mutations systémiques et nouvelle économie», Reims, 29-30 novembre 2001. Il est ensuite paru dans l’ouvrage collectif (actes du colloque): G. Rasselet, M. Delaplace et E. Bosserelle (coord.), L’économie sociale en perspective, Presses Universitaires de Reims, Reims, 2005, pp.83-98.
(12) Pour suivre (sous réserve d'éventuelles modifications de dernière minute):
. «Monnaie sociale. Marché: oui, mais...»,
. «Monnaie sociale. Oyez, citoyens...»,
. «Monnaie sociale. LETS béton…».

vendredi 18 mars 2011

Monnaie sociale. Questions de principe.

Quels sont les liens entre économie solidaire
et LETS (1)?
Entre-
tiennent-elles les mêmes objectifs?
Deux questions de… principe.
Posées par Jérôme Blanc (2) et Cyrille Ferraton (3)

Jérôme Blanc et Cyrille Ferraton

L’économie solidaire s’articule autour de deux principes essentiels (4).
. Un premier vise à réactualiser les pratiques réciprocitaires au sein de l’organisation économique (5) afin de compléter l’action combinée, jugée insatisfaisante, de la redistribution par les institutions publiques et de l’échange, par les organisations privées lucratives.
Le fonctionnement réciprocitaire assure un double objectif: un objectif économique par la création d’emplois ou, par exemple, d’activités de production et un objectif de justice sociale par une répartition équitable des ressources et par le développement de nouveaux rapports de solidarité.
Dans cette perspective, le projet de l’économie solidaire n’est pas tant de subvenir aux besoins économiques que de produire des conditions sociales viables individuellement et collectivement.
. Le second principe répond à une finalité politique en promouvant la création de micro-espaces publics autour d’objectifs communs de sociabilité, relevant d’initiatives privées et n’ayant pas un but lucratif à titre principal.
La participation individuelle qu’induit le passage du privé au public donne, dans ce cas, les bases sur lesquelles une nouvelle identité citoyenne peut se construire.
Cette caractérisation de l’économie solidaire permet d’examiner les rapports que les deux formes archétypales de LETS entretiennent avec elle…(6)(7)

(A suivre)

Cyrille Ferraton et Jérôme Blanc

(1) Dans ce message et dans les suivants, nous considérerons, sauf mention contraire, «LETS» comme le terme générique désignant ces associations; lorsque nous traiterons de leur déclinaison anglo-saxonne, nous préciserons «LETS anglo-saxons» et lorsque nous traiterons de leur déclinaison française, nous préciserons «SEL français».
(2) Jérôme Blanc est docteur en sciences économiques (1998) et maître de conférences en sciences économiques à l’Université Lumière Lyon 2 (depuis 1999). Ses travaux portent sur la monnaie, qu’il aborde principalement du point de vue des pratiques et de l’histoire des idées. S’intéressant à la pluralité des monnaies, il a publié Les monnaies parallèles. Unité et diversité du fait monétaire (L’Harmattan, Paris, 2000). Il travaille en particulier sur un aspect de la pluralité monétaire, à savoir les monnaies sociales, locales ou complémentaires. À ce sujet, il a coécrit Une économie sans argent: les systèmes d’échange local (SEL) (dirigé par J.-M. Servet, Seuil, Paris, 1999) et dirigé Monnaies sociales: Exclusion et liens financiers, rapport 2005-2006 (Economica, Paris, 2006). En matière d’histoire des idées, il dirige avec Ludovic Desmedt l’ouvrage collectif Idées et pratiques monétaires en Europe, 1517-1776 (à paraître). À partir du cas des monnaies sociales, ses travaux portent aussi sur l’économie sociale et solidaire. Il est membre du Réseau inter-universitaire de l’économie sociale et solidaire (RIUESS,
http://www.riuess.org/) et fait partie du comité éditorial de l’International Journal of Community Currency Research (IJCCR, http://www.uea.ac.uk/env/ijccr/).
(3) Cyrille Ferraton est docteur en sciences économiques et maître de conférences à l'Université Paul Valéry de Montpellier III. Ses principaux thèmes de recherche portent sur l'économie sociale et solidaire (en particulier la finance solidaire) et l'économie institutionnaliste. Il a travaillé en 2004-2005 sur un programme de recherche européen portant sur la création d'emploi dans les services à la personne. Il a publié
. L'enquête inachevée: introduction à l'économie politique d'Albert Hirschman (avec Ludovic Frobert, Paris, PUF, 2003),
. Associations et coopératives. Une autre histoire économique (Erès, Paris, 2007),
. L'Institutionnalisme de Gunnar Myrdal en question (ENS, Paris, 2009),
. La Propriété. Chacun pour soi ? (Larousse, coll. « Philosopher », Paris, 2009).
(4) Laville J.-L., L’économie solidaire : une nouvelle forme d’économie sociale?, RECMA, 255 (53), 1er trimestre 1995, pp. 70-73.
(5) La réciprocité au sens de K. Polanyi se définit par des échanges économiques entre individus ou groupes sociaux dans une position égalitaire et symétrique (Polanyi et Arensberg, 1957, 245). On considère généralement que le don contre-don (Mauss, 1923-24) sous-tend ce type de comportement économique.
(6) Ce message est extrait du texte : Blanc Jérôme et Ferraton Cyrille, Une monnaie sociale? Systèmes d’Échange Local (SEL) et économie solidaire, 2001. Avec l’aimable autorisation des auteurs, que nous remercions. Les titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction. Le texte original a d’abord été présenté lors des Deuxièmes Journées d’Etude du LAME, «Économie sociale, mutations systémiques et nouvelle économie», Reims, 29-30 novembre 2001. Il est ensuite paru dans l’ouvrage collectif (actes du colloque): G. Rasselet, M. Delaplace et E. Bosserelle (coord.), L’économie sociale en perspective, Presses Universitaires de Reims, Reims, 2005, pp.83-98.
(7) Pour suivre :
. «Monnaie sociale. Marché: non, merci!»,
. «Monnaie sociale. Marché: oui, mais...»,
. «Monnaie sociale. Oyez, citoyens...»,
. «Monnaie sociale. LETS béton…».

mardi 15 mars 2011

Monnaie sociale. Archétypes et vieilles dentelles.















Peut-on considérer
les monnaies sociales

comme
une variante possible
de l’économie solidaire?
Pour répondre à cette question,
les économistes
Cyrille Ferraton (1)(photo ci-dessus) et Jérôme Blanc (2)
suggèrent de se référer
à deux formes archétypales.
Celle
«à dominante marchande» d’une part.
Et celle «à dominante réciprocitaire» d’autre part.
Deux façons de dépoussiérer
les vieilles dentelles de la pensée unique.
Début d’explication…


Cyrille Ferraton et Jérôme Blanc

Il existerait a priori une certaine parenté entre les objectifs que poursuivent les systèmes d’échanges locaux et les objectifs économiques, politiques et sociaux de l’économie solidaire.
Pourtant, nombre de LETS (3) offrent des divergences non négligeables, parfois radicales, et préfèrent se considérer comme de simples bourses d’échange de services de proximité, proposant à leurs membres un système de confrontation des offres et des demandes.
Peut-on ainsi considérer cette forme du localisme monétaire comme une variante possible de l’économie solidaire?

Market vs réciprocité

Pour répondre à cette question, on raisonnera à partir de deux formes archétypales de LETS qui polarisent deux tendances à l’oeuvre dans les nombreuses variantes et la diversité des vécus et des expériences de chacun des LETS.
On distinguera, d’une part, des «LETS à dominante marchande», qui témoignent d’un projet économique fondé sur l’organisation d’une circulation marchande des biens et des services notamment à destination de personnes en situation de précarité, et, d’autre part, des «LETS à dominante réciprocitaire», qui mettent en avant une réciprocité multilatérale, excluent tout principe marchand et cherchent à développer des liens de solidarité et de convivialité entre leurs membres.
Les premiers sont plus ou moins représentés par les objectifs et le vécu des LETS anglo-saxons, les seconds le sont plus ou moins par les objectifs et le vécu des SEL français (4).
Dans quelle mesure ces deux formes répondent-elles aux principes identifiés de l’économie solidaire?
Quelles est, de ces deux formes, celle qui réalise au mieux les principes de l’économie solidaire?
Deux interrogations qui retiendront tout prochainement notre attention. (5)(6)
(A suivre)
Jérôme Blanc et Cyrille Ferraton

(1) Cyrille Ferraton est docteur en sciences économiques et maître de conférences à l'Université Paul Valéry de Montpellier III.
Ses principaux thèmes de recherche portent sur l'économie sociale et solidaire (en particulier la finance solidaire) et l'économie institutionnaliste.
Il a travaillé en 2004-2005 sur un programme de recherche européen portant sur la création d'emploi dans les services à la personne.
Il a publié
. L'enquête inachevée: introduction à l'économie politique d'
Albert Hirschman (avec Ludovic Frobert, Paris, PUF, 2003),
. Associations et coopératives. Une autre histoire économique (Erès, Paris, 2007),
. L'Institutionnalisme de
Gunnar Myrdal en question (ENS, Paris, 2009),
. La Propriété. Chacun pour soi? (Larousse, coll. «
Philosopher », Paris, 2009).
(2) Jérôme Blanc est docteur en sciences économiques (1998) et maître de conférences en sciences économiques à l’Université Lumière Lyon 2 (depuis 1999).
Ses travaux portent sur la monnaie, qu’il aborde principalement du point de vue des pratiques et de l’histoire des idées.
S’intéressant à la pluralité des monnaies, il a publié Les monnaies parallèles. Unité et diversité du fait monétaire (L’Harmattan, Paris, 2000). Il travaille en particulier sur un aspect de la pluralité monétaire, à savoir les monnaies sociales, locales ou complémentaires. À ce sujet, il a coécrit Une économie sans argent: les systèmes d’échange local (SEL) (dirigé par J.-M. Servet, Seuil, Paris, 1999) et dirigé Monnaies sociales: Exclusion et liens financiers, rapport 2005-2006 (Economica, Paris, 2006).
En matière d’histoire des idées, il dirige avec Ludovic Desmedt l’ouvrage collectif Idées et pratiques monétaires en Europe, 1517-1776 (à paraître).
À partir du cas des monnaies sociales, ses travaux portent aussi sur l’économie sociale et solidaire. Il est membre du Réseau inter-universitaire de l’économie sociale et solidaire (RIUESS,
http://www.riuess.org/) et fait partie du comité éditorial de l’International Journal of Community Currency Research (IJCCR, http://www.uea.ac.uk/env/ijccr/).
(3) Le terme de LETS désigne dans cet article les diverses formes nationales de cercles d’échanges locaux et ne s’arrête pas aux seules variantes anglo-saxones.
(4) Blanc Jérôme, Les monnaies parallèles. Unité et diversité du fait monétaire, L’Harmattan (Economiques), Paris, 2000, 251 sq.
(5) Ce message est extrait du texte: Blanc Jérôme et Ferraton Cyrille, Une monnaie sociale? Systèmes d’Échange Local (SEL) et économie solidaire, 2001. Les titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction. Avec l’aimable autorisation des auteurs, que nous remercions. Le texte original a d’abord été présenté lors des Deuxièmes Journées d’Etude du LAME, «Économie sociale, mutations systémiques et nouvelle économie», Reims, 29-30 novembre 2001. Il est ensuite paru dans l’ouvrage collectif (actes du colloque): G. Rasselet, M. Delaplace et E. Bosserelle (coord.), L’économie sociale en perspective, Presses Universitaires de Reims, Reims, 2005, pp.83-98.
(6) Pour suivre (sous réserve d'éventuelles modifications de dernière minute):
. «Monnaie sociale. Questions de principe.»,
. «Monnaie sociale. Marché: non, merci!»,
. «Monnaie sociale. Marché: oui, mais...»,
. «Monnaie sociale. Oyez, citoyens...»,
. «Monnaie sociale. LETS béton…».

vendredi 11 mars 2011

Monnaie sociale. Passe-moi le… SEL !








LETS comme
Local Exchange
and Trading Systems.
SEL comme
Systèmes
d’Echange Local.
Deux spécialistes
du sujet,
Jérôme Blanc
(1) (photo ci-dessus) et Cyrille Ferraton (2),
nous expliquent
ce qui se cache
derrière ces mystérieux acronymes.
Qui désignent
une forme particulière d’économie solidaire.
Et entendent
réorganiser les échanges au niveau local.
Cher voisin, passe-moi le SEL!


Jérôme Blanc et Cyrille Ferraton

Les premières associations contemporaines par le biais desquelles des personnes échangent services et biens au moyen d’une comptabilité interne tenue en une monnaie propre ont émergé formellement en 1983, après plusieurs années de gestation et de tâtonnements, sous la forme des LETS (Local Exchange and Trading Systems) au Canada.
Leur émergence précède de quelques années les premiers travaux sur l’économie solidaire. (3)
Progressivement, des organisations de ce type ont été mises en place dans plusieurs pays, presque uniquement occidentaux.
Au début de l’année 2.000, 22 pays étaient concernés.
On comptait entre 2.000 et 2.500 associations rassemblant probablement autour de 250.000 membres.
Les déclinaisons françaises des LETS, les SEL (Systèmes d’Echange Local), sont apparus en 1994. (4)
Ces organisations appartiennent à la catégorie plus large du localisme monétaire, forme caractérisée par l’organisation d’une localisation des échanges au sein d’un espace spécifique au moyen d’une organisation monétaire adaptée (5).

Un seul lit pour plusieurs rêves

En France, un des objectifs revendiqués par les principaux animateurs est l’organisation d’une réciprocité entre les membres des SEL et, au-delà, l’instauration d’un espace au sein duquel «l’économique» serait au service de valeurs alternatives comme l’égalité entre les savoir-faire intellectuels et manuels, la réciprocité par le don ou la démocratie locale.
En ce sens, certains parlent de «monnaies sociales» pour qualifier de façon générique les LETS et les systèmes voisins. (6)
Ce terme apparaît comme le moins insatisfaisant des termes proposés et en vigueur ça et là compte tenu de la diversité des opinions et des perceptions, par les fondateurs eux-mêmes, de ces systèmes. (7)(8)

(A suivre)

Cyrille Ferraton et Jérôme Blanc

(1) Jérôme Blanc est docteur en sciences économiques (1998) et maître de conférences en sciences économiques à l’Université Lumière Lyon 2 (depuis 1999).
Ses travaux portent sur la monnaie, qu’il aborde principalement du point de vue des pratiques et de l’histoire des idées.
S’intéressant à la pluralité des monnaies, il a publié Les monnaies parallèles. Unité et diversité du fait monétaire (L’Harmattan, Paris, 2000). Il travaille en particulier sur un aspect de la pluralité monétaire, à savoir les monnaies sociales, locales ou complémentaires. À ce sujet, il a coécrit Une économie sans argent: les systèmes d’échange local (SEL) (dirigé par J.-M. Servet, Seuil, Paris, 1999) et dirigé Monnaies sociales: Exclusion et liens financiers, rapport 2005-2006 (Economica, Paris, 2006). En matière d’histoire des idées, il dirige avec Ludovic Desmedt l’ouvrage collectif Idées et pratiques monétaires en Europe, 1517-1776 (à paraître).
À partir du cas des monnaies sociales, ses travaux portent aussi sur l’économie sociale et solidaire. Il est membre du Réseau inter-universitaire de l’économie sociale et solidaire (RIUESS,
http://www.riuess.org/) et fait partie du comité éditorial de l’International Journal of Community Currency Research (IJCCR, http://www.uea.ac.uk/env/ijccr/)
(2) Cyrille Ferraton est docteur en sciences économiques et maître de conférences à l'Université Paul Valéry de Montpellier III.
Ses principaux thèmes de recherche portent sur l'économie sociale et solidaire (en particulier la finance solidaire) et l'économie institutionnaliste.
Il a travaillé en 2004-2005 sur un programme de recherche européen portant sur la création d'emploi dans les services à la personne.
Il a publié
. L'enquête inachevée : introduction à l'économie politique d'
Albert Hirschman (avec Ludovic Frobert, Paris, PUF, 2003),
. Associations et coopératives. Une autre histoire économique (Erès, Paris, 2007),
. L'Institutionnalisme de
Gunnar Myrdal en question (ENS, Paris, 2009),
. La Propriété. Chacun pour soi? (Larousse, coll.
Philosopher, Paris, 2009).
(3) On distingue généralement les approches de l’économie sociale et de l’économie solidaire. La première, selon Charles Gide (1930, 2000), naît au début du XIXe siècle avec J. C. L. Simonde de Sismondi (1773-1842), en réaction aux changements provoqués par l’industrialisation dans l’organisation du travail et les habitudes sociales et à la nécessité de subvenir aux besoins les plus urgents de la population. Elle s’inspire ensuite de la pensée socialiste (L. Blanc, P.-J. Proudhon, etc.) et des pratiques sociales (Pionniers de la Rochdale (1844), développement des sociétés de secours mutuels, etc.) au cours du XIXe siècle. Elle est systématisée au début du XXe siècle par Ch. Gide (1905). Elle connaît un nouveau développement dans les années 1960 et 1970 notamment au travers de la pensée de C. Vienney (1966) et de H. Desroche (1976, 1983). L’analyse contemporaine privilégie une conception institutionnelle de l’économie sociale par l’étude des mouvements coopératifs, mutualistes et associatifs. La seconde approche, celle de l’économie solidaire, émerge au début des années 1990 et poursuit en partie les études principalement anglo-saxonnes déjà entreprises sur les organisations sans but lucratif (nonprofit organizations) et se pose en héritière directe de l’associationnisme des années 1830-1848 en France. Nous ne tenons compte par la suite que de l’approche de l’économie solidaire.
(4) Voir à ce propos Servet J.-M. (dir.), Une économie sans argent, les systèmes d’échange local, Seuil, Paris, 1999.
(5) Blanc Jérôme Formes et rationalités du localisme monétaire, in L’Actualité Économique, 78 (3), septembre 2002.
(6) C’est le choix de l’Alliance pour un monde responsable et solidaire qui développe depuis début 2000 un forum dit des monnaies sociales en vue d’aboutir à un certain nombre de propositions générales visant à répandre ce type de systèmes. Par la suite cette terminologie s’est rapidement diffusée en langue française et espagnole, un peu moins en langue anglaise où l’on préfère parler de community currency systems.
(7) Ce message est extrait du texte: Blanc Jérôme et Ferraton Cyrille, Une monnaie sociale? Systèmes d’Échange Local (SEL) et économie solidaire, 2001
. Avec l’aimable autorisation des auteurs, que nous remercions. La suite sera prochainement publiée sur ce blog (in extenso pour l'essentiel, en résumé pour le solde). Les titre, chapeau et intertitres sont de la rédaction. Le texte original a d’abord été présenté lors des Deuxièmes Journées d’Etude du LAME, «Économie sociale, mutations systémiques et nouvelle économie», Reims, 29-30 novembre 2001. Il est ensuite paru dans l’ouvrage collectif (actes du colloque): G. Rasselet, M. Delaplace et E. Bosserelle (coord.), L’économie sociale en perspective, Presses Universitaires de Reims, Reims, 2005, pp.83-98.
(8) Pour suivre (sous réserve d'éventuelles modifications de dernière minute):
. «Monnaie sociale. Archétypes et vieilles dentelles
. «Monnaie sociale. Questions de principe.»
. «Monnaie sociale. Marché: non, merci!»
. «Monnaie sociale. Marché: oui, mais...»
. «Monnaie sociale. Oyez, citoyens...»

. «Monnaie sociale. LETS béton…»

mercredi 9 mars 2011

Actu. Créatifs Culturels: "Changeons le monde!"


«Comment nous pouvons
changer ce monde.
»
Tel est l’ambitieux
sujet de réflexion
proposé,
à Bruxelles,
par les Créatifs Culturels (1)
de Belgique.
Qui invitent
à un cycle de rencontres.
Histoire de
«trouver et retrouver
celles et ceux
qui pensent, ressentent, agissent comme vous…»

Les «dimanches des Créatifs Culturels» entendent présenter des rencontres indépendantes aux thématiques inter-reliées.
Avec, pour fil rouge, ce «programme commun»: une demi-heure d’introduction appelée à déboucher sur un espace d’interactions, finalement structurées pour en dégager les convergences.
«Cet espace doit permettre aux participant(e)s de se doter d’un double bagage, expliquent les organisateurs. L’objectif est en effet de voir chacun repartir non seulement avec une série d'informations, mais aussi et surtout avec le sentiment renforcé de sa capacité et de sa volonté d'implication. Tant sur son chemin intérieur que dans son action extérieure.»

Enjeux et possibilités du monde

Le 3 avril, une première rencontre organisée autour du thème «Le monde, ses enjeux et nos possibilités» posera les questions suivantes…
. «Quel est l'état du monde et de ses besoins?»
. «Quel est l'état de l'être humain et de ses besoins?»
. «Quelle est notre vision pour ce monde?»
. «Quelle est notre vision pour l'être humain?»
. «Comment pouvons-nous être, à notre niveau, un agent de transformation, le créateur d'une nouvelle culture?»
. «Quelle est la spécificité des Créatifs Culturels et les possibles à notre portée?»
. «Quels sont nos moteurs et nos défis?»

Valeurs: vers un «Nouveau Paradigme»

Puis, le 1er mai, une deuxième rencontre répondra à l’intitulé: «Agir sur base de nos valeurs et, par là, construire le Nouveau Paradigme».
On y cherchera à «passer de l'idéal à la réalité, de la pensée à l'action, des intentions à leur matérialisation» en tentant de répondre à d'autres interrogations…
. «Quelles sont les valeurs de base autour desquelles se regroupent les Créateurs de Culture?»
. «Comment les comprendre?»
. «Comment pouvons-nous impulser ces valeurs dans le concret?»
. «Quelle représentation du monde prévaudra dans cette culture que nous contribuons à créer?»
. «Comment pourrons-nous l'incarner?»
. «Quelles en sont les étapes possibles en termes d'être et de faire?»
. «Et quel est le pas en avant possible pour moi?»

Monnaie, monnaie, monnaie…

Ensuite, le 19 juin, il s’agira d’ «impulser nos valeurs dans un domaine majeur: l'économie et la finance».
Avec de nouveaux questionnements à l'ordre du jour…
. «Quelle place l'économie et la finance ont-elles dans notre société actuellement?»
. «Quels sont leurs bienfaits et leurs méfaits?»
. «Quelle est notre vision dans ce domaine?»
. «Quelles sont les alternatives concrètes qui sont à notre portée?»
. «Quelles en sont les étapes possibles en termes d'être et de faire?»
. «Et quel est le pas possible pour moi?»
La participation à l'intégralité du cycle, même si elle est recommandée, n’est pas indispensable. (2)

En bref
Qui?
Les Créatifs Culturels de Belgique.
Quoi?
Un cycle de rencontres indépendantes mais inter-reliées: les «dimanches des Créatifs Culturels».
Quand?
Les dimanches 3 avril, 1er mai et 19 juin (dates suivantes non encore fixées), de 14h30 précises à 18h30 (accueil à partir de 14h.)
Où?
Salle Schuman de l'Espace du Marais,
rue du Damier 23
1000 Bruxelles
(juste derrière le grand magasin Inno de la rue Neuve).
Combien?
Huit euros par rencontre, boisson fournie (l'aspect financier ne devant cependant pas constituer un obstacle).
Inscription nécessaire (avant le 27 mars pour la première rencontre):
contact@creatifsculturels.be.
Mais encore…
(1) Voir notamment, sur ce blog, les messages:
(2) Pour suivre: des contributions des économistes français Jérôme Blanc (université Lumière Lyon 2) et Cyrille Ferraton (université de Montpellier) sur la monnaie sociale et les Systèmes d'Echange Local (SEL).

dimanche 6 mars 2011

Commerce équitable. C’est une très bonne question…


Le commerce équitable
produit-il

des effets sensibles
sur les conditions de vie
des producteurs

méridionaux?
Et sa généralisation
permettrait-elle,
le cas échéant,
de modifier
les conditions

de vie
des populations

défavorisées
du Sud?

Comment répondre judicieusement à de telles questions sans évaluer la réalité et le bien-fondé de l’impact du commerce équitable?
Une mission que s’assignent un certain nombre d’études.
Qui soulignent l'existence de nombreux effets positifs.
Mais qui précisent aussi l'ampleur relativement réduite de ceux-ci.
En outre, interviennent Aurélie Carimentrand et Jérôme Ballet (1), «on ne peut pas parler d’impact du commerce équitable, mais seulement d’impact de différentes formes de commerces dits équitables.» (2)
On s’interrogera donc utilement sur les conditions de réussite du commerce équitable.
Et en particulier sur quatre d’entre elles:
. la professionnalisation des producteurs les plus vulnérables,
. la sensibilisation du consommateur final (pour qu’il achète plus),
. le raccourcissement des circuits,
. un travail législatif qui permettrait d’«harmoniser vers le haut», c’est-à-dire de ramener tous les labels au niveau des meilleurs…

Professionnaliser les producteurs les plus vulnérables

«Il faut distinguer entre les producteurs en situation de vulnérabilité et ceux déjà plus professionnalisés, expliquent nos deux économistes.
Dans le premier cas, le commerce équitable apporterait une certaine sécurité sur les ressources sans que cela ne se traduise par un accroissement majeur.
Dans le second cas, le commerce équitable favoriserait surtout l’investissement dans les outils de production et permettrait donc un accroissement futur de revenu. (…)
Les individus les plus défavorisés risquent d’être régulièrement écartés des circuits du commerce équitable en raison des exigences de qualité des produits, de respect des délais de livraison et d’adaptation à de nouveaux produits.» (3)
L'avenir de la formule pourrait donc bien passer par une forme quelconque d'aide à la professionnalisation des producteurs les plus vulnérables.

Sensibiliser le consommateur final pour qu’il achète plus

On a vu que, pour arriver à ses fins, le commerce équitable doit pouvoir compter sur la bonne volonté du consommateur final.
Hors augmentation de la demande, point de salut! (4)

Raccourcir les circuits

Rappelons ici ce que nous écrivions le 12 février dernier (5): les circuits longs tendent toujours à accroître le risque de vider de leur substance les garanties apportées aux consommateurs en matière d’équité.
Du coup, les acteurs du commerce équitable auraient tout intérêt à se mettre en position de contrôler toute la chaîne, de la production à la distribution, pour se donner les meilleures assurances de succès.

Légiférer dans le sens d'une harmonisation vers le haut

Inutile de revenir à ce stade sur l'insuffisance de clarté qui caractérise
. les règles du commerce équitable,
. la concurrence que se livrent les différentes organisations pour dominer le marché (6).
Une double nébulosité qui contribue à brouiller les pistes.
Au point de décourager le consommateur un tant soit peu soucieux de vérifier l’impact de ses actes d’achat.
Il s’agit dès lors de chercher à mettre en œuvre les moyens législatifs adéquats.
«Mais on peut là aussi avoir des doutes sur la portée de la législation, considèrent nos guides hexagonaux.
Ne risque-t-elle pas d’être une législation minimale qui servirait surtout les moins bons labels?» (7)
Le but, en effet, devrait moins consister à unifier les pratiques qu’à ramener tous les labels au niveau des meilleurs.
Un objectif démesuré?

Christophe Engels

(1) Université de Versailles Saint Quentin en Yvelines.
(2) Ballet Jérôme et Carimentrand Aurélie, Commerce équitable et durabilité institutionnelle, in Colloque organisé les 19-21 juin 2006 par la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable de l'Université du Québec à Montréal (Montréal, Québec, Canada), p.27:
http://www.crsdd.uqam.ca/.
(3) Ballet Jérôme et Carimentrand Aurélie, ibidem, p.17:
http://www.crsdd.uqam.ca/.
(4) Pour plus de précision sur ce point, on se référera utilement au message «Commerce équitable. L’envers du décor.»
(5) Pour plus de précision sur ce point, on se référera utilement au message «Commerce équitable. Objectif: court circuit.»
(6) Pour plus de précision sur ce point, on se référera utilement au message «Commerce équitable. La grande vadrouille.»
(7) Ballet Jérôme et Carimentrand Aurélie, ibidem, p.27: http://www.crsdd.uqam.ca/.

mercredi 2 mars 2011

Commerce équitable. L’envers du décor.

En conscientisant le consommateur du Nord,
le label de commerce équitable
entend favoriser le producteur du Sud.
Mais l’outil se doit d’être manié avec discernement.
Car le mieux est parfois l’ennemi du bien…

Vu du Sud de la planète, le label du commerce équitable peut se décliner selon trois modalités différentes…
. Soit il est proposé librement et gratuitement à chaque producteur.
. Soit des barrières financières sont dressées, qui forcent celui-ci à payer un montant déterminé pour disposer du précieux sésame.
. Soit ce sont des entraves arbitraires qui prévalent, restreignant ainsi à un certain nombre de producteurs la possibilité d’accéder audit label.
Reprenons un par un chacun de ces points.
En les illustrant par un exemple concret: celui du café (1)...

Libre et gratuit: le label «Bienvenue à tous!»

Première hypothèse: l’accès au label est libre et gratuit.
Sous peine d’échouer dans sa vocation à promouvoir des avancées économiques, sociales et/ou environnementales au Sud, le label en question doit alors inciter le consommateur final à acheter davantage de café.
Telle est en effet la condition sine qua non pour que le prix de ce café (labellisé) augmente.
Majoration seule susceptible de permettre aux producteur de se ménager un salaire plus élevé ou d’améliorer ses conditions de travail.
Reste donc à espérer que le consommateur ne diminuera pas sa consommation de café.
Car, dans ce cas, le label, loin de favoriser la situation du producteur, la détériorerait au contraire.
Ce qui se produit lorsqu’il existe l’un ou l’autre substitut au produit concerné: le thé par exemple en remplacement du café.
«L’utilisation d’un label est dès lors peu indiquée pour certains types de biens, estime l'économiste Cédric Duprez (2). Notamment les biens facilement substituables.» (3)

Libre mais payant: le label «Par ici la monnaie…»

Deuxième hypothèse: pour obtenir le label, le producteur doit supporter un coût.
Qu’il s’agira -il n'y a pas de miracle- de répercuter sur le prix de vente.
A l’arrivée, le prix du café labellisé sera donc égal à celui du café non-labellisé augmenté du coût en question.
Conséquence: pour tirer le revenu (net) du producteur vers le haut, le label devra -ici encore- augmenter la demande de café.
Qui plus est, cette augmentation se devra d’être suffisante pour compenser le surcoût initial.

Gratuit mais conditionnel: le label «Entrez si…»

Troisième hypothèse: celle d’un label qui, pour être gratuit, n'en reste pas moins réservé -par d'autres modes de sélection- à un nombre réduit de producteurs.
«Cet accès restreint au label revient à limiter l’offre de café labellisé, expliquent les Belges Jean-Marie Baland (4) et Cédric Duprez.
Son prix dès lors augmente, ainsi que les salaires des producteurs qui ont accès au label.
Toutefois, la demande de café non labellisé diminue, puisque les consommateurs pénalisent ces produits en en demandant moins.
En conséquence, le prix du café non labellisé baisse.
Le label crée alors au sud des gagnants, les producteurs labellisés, et des perdants, les autres producteurs.
» (5)
On le comprend: dans ce cas, l’avantage dont bénéficient quelques producteurs privilégiés s’acquiert au détriment d’une majorité de leurs confrères.

A utiliser avec modération…

Les conclusions à tirer d'une telle réflexion interpellent, voire dérangent: autant le recours au label s’indiquerait dans des circonstances cadrées et pour certaines catégories de biens précises, autant son utilisation risquerait fort de s’avérer... contre-productive dans toutes les autres occurrences!
Le commerce équitable?
A utiliser, donc, avec discernement…
En ne perdant jamais de vue que les bons sentiments ne suffisent pas.
Et que le mieux est parfois l’ennemi du bien…

Christophe Engels (d’après Cédric Duprez et Jean-Marie Baland) (6)

(1) L’analyse ne s’en étend pas moins à tout label à finalité sociale. Et ce quel que soit le produit visé.
(2) Cédric Duprez est économiste aux Facultés Universitaires Notre Dame de la Paix (FUNDP), à Namur (Belgique).
(3) Duprez Cédric, Le label peut jouer des tours, in Louvain (Revue bimestrielle de l’Université catholique de Louvain), n°178, avril-mai 2009, p.35.
(4) Jean-Marie Baland est professeur aux Facultés Universitaires Notre Dame de la Paix (FUNDP, Namur, Belgique), attaché au Centre de Recherche en Economie du Développement (CRED).
(5) Baland Jean-Marie et Duprez Cédric, Les labels: une médaille sans revers?, in Louvain (Revue bimestrielle de l’Université catholique de Louvain), n°162, avril 2006, p.25.
(6) Ce message a été rédigé d’après
. Duprez Cédric, Le commerce équitable est-il contre-productif?, conférence donnée le 27 février 2007 dans le cadre des Midis de l’éthique de l’Université catholique de Louvain (UCL) (modérateur: Axel Gosseries),
. Baland Jean-Marie et Duprez Cédric, Louvain (Revue bimestrielle de l’Université catholique de Louvain), n°162, ibidem, p.25,
. Duprez Cédric, Louvain (Revue bimestrielle de l’Université catholique de Louvain), n°178, ibidem, p. 35.