mercredi 2 mars 2011

Commerce équitable. L’envers du décor.

En conscientisant le consommateur du Nord,
le label de commerce équitable
entend favoriser le producteur du Sud.
Mais l’outil se doit d’être manié avec discernement.
Car le mieux est parfois l’ennemi du bien…

Vu du Sud de la planète, le label du commerce équitable peut se décliner selon trois modalités différentes…
. Soit il est proposé librement et gratuitement à chaque producteur.
. Soit des barrières financières sont dressées, qui forcent celui-ci à payer un montant déterminé pour disposer du précieux sésame.
. Soit ce sont des entraves arbitraires qui prévalent, restreignant ainsi à un certain nombre de producteurs la possibilité d’accéder audit label.
Reprenons un par un chacun de ces points.
En les illustrant par un exemple concret: celui du café (1)...

Libre et gratuit: le label «Bienvenue à tous!»

Première hypothèse: l’accès au label est libre et gratuit.
Sous peine d’échouer dans sa vocation à promouvoir des avancées économiques, sociales et/ou environnementales au Sud, le label en question doit alors inciter le consommateur final à acheter davantage de café.
Telle est en effet la condition sine qua non pour que le prix de ce café (labellisé) augmente.
Majoration seule susceptible de permettre aux producteur de se ménager un salaire plus élevé ou d’améliorer ses conditions de travail.
Reste donc à espérer que le consommateur ne diminuera pas sa consommation de café.
Car, dans ce cas, le label, loin de favoriser la situation du producteur, la détériorerait au contraire.
Ce qui se produit lorsqu’il existe l’un ou l’autre substitut au produit concerné: le thé par exemple en remplacement du café.
«L’utilisation d’un label est dès lors peu indiquée pour certains types de biens, estime l'économiste Cédric Duprez (2). Notamment les biens facilement substituables.» (3)

Libre mais payant: le label «Par ici la monnaie…»

Deuxième hypothèse: pour obtenir le label, le producteur doit supporter un coût.
Qu’il s’agira -il n'y a pas de miracle- de répercuter sur le prix de vente.
A l’arrivée, le prix du café labellisé sera donc égal à celui du café non-labellisé augmenté du coût en question.
Conséquence: pour tirer le revenu (net) du producteur vers le haut, le label devra -ici encore- augmenter la demande de café.
Qui plus est, cette augmentation se devra d’être suffisante pour compenser le surcoût initial.

Gratuit mais conditionnel: le label «Entrez si…»

Troisième hypothèse: celle d’un label qui, pour être gratuit, n'en reste pas moins réservé -par d'autres modes de sélection- à un nombre réduit de producteurs.
«Cet accès restreint au label revient à limiter l’offre de café labellisé, expliquent les Belges Jean-Marie Baland (4) et Cédric Duprez.
Son prix dès lors augmente, ainsi que les salaires des producteurs qui ont accès au label.
Toutefois, la demande de café non labellisé diminue, puisque les consommateurs pénalisent ces produits en en demandant moins.
En conséquence, le prix du café non labellisé baisse.
Le label crée alors au sud des gagnants, les producteurs labellisés, et des perdants, les autres producteurs.
» (5)
On le comprend: dans ce cas, l’avantage dont bénéficient quelques producteurs privilégiés s’acquiert au détriment d’une majorité de leurs confrères.

A utiliser avec modération…

Les conclusions à tirer d'une telle réflexion interpellent, voire dérangent: autant le recours au label s’indiquerait dans des circonstances cadrées et pour certaines catégories de biens précises, autant son utilisation risquerait fort de s’avérer... contre-productive dans toutes les autres occurrences!
Le commerce équitable?
A utiliser, donc, avec discernement…
En ne perdant jamais de vue que les bons sentiments ne suffisent pas.
Et que le mieux est parfois l’ennemi du bien…

Christophe Engels (d’après Cédric Duprez et Jean-Marie Baland) (6)

(1) L’analyse ne s’en étend pas moins à tout label à finalité sociale. Et ce quel que soit le produit visé.
(2) Cédric Duprez est économiste aux Facultés Universitaires Notre Dame de la Paix (FUNDP), à Namur (Belgique).
(3) Duprez Cédric, Le label peut jouer des tours, in Louvain (Revue bimestrielle de l’Université catholique de Louvain), n°178, avril-mai 2009, p.35.
(4) Jean-Marie Baland est professeur aux Facultés Universitaires Notre Dame de la Paix (FUNDP, Namur, Belgique), attaché au Centre de Recherche en Economie du Développement (CRED).
(5) Baland Jean-Marie et Duprez Cédric, Les labels: une médaille sans revers?, in Louvain (Revue bimestrielle de l’Université catholique de Louvain), n°162, avril 2006, p.25.
(6) Ce message a été rédigé d’après
. Duprez Cédric, Le commerce équitable est-il contre-productif?, conférence donnée le 27 février 2007 dans le cadre des Midis de l’éthique de l’Université catholique de Louvain (UCL) (modérateur: Axel Gosseries),
. Baland Jean-Marie et Duprez Cédric, Louvain (Revue bimestrielle de l’Université catholique de Louvain), n°162, ibidem, p.25,
. Duprez Cédric, Louvain (Revue bimestrielle de l’Université catholique de Louvain), n°178, ibidem, p. 35.

5 commentaires:

  1. Entrez Lire & Culture et Démocratie
    ont le plaisir de vous inviter, dans le cadre du festival Passa Porta, à
    « Mais d’où venez-vous ? »
    Une rencontre-débat modérée par Mathieu Bietlot
    entre Michèle Lesbre et Sylvie Granotier (auteures du livre Mais d’où venez-vous?»)
    et François De Smet, philosophe

    le dimanche 27 mars 2011 de 16h à 17h, à l’Eglise du Béguinage (Place du Béguinage, 1000 Bruxelles)


    Dans une prison parisienne, Michèle Lesbre et Sylvie Granotier ont écouté et retranscrit les histoires individuelles et pourtant universelles de ceux, sans papiers, dont l'exil s'est arrêté là.
    Comment, sans trahir, et pourquoi rendre la parole de ceux que, quotidiennement, nous n’entendons pas, ou préférons ne pas entendre?
    Qu’ont-ils à nous apprendre (de si dérangeant)?
    Pour en parler, les auteures seront accompagnées par François De Smet (philosophe).
    La discussion sera animée par Mathieu Bietlot (philosophe et politologue).

    Parallèlement, des photographies que Frédéric Pauwels a prises en 1998-1999 lors de l’occupation de l’Eglise par des sans-papiers y seront exposées.


    Informations :
    .. Culture et Démocratie.
    . Tél. 02/502 12 15.
    . Courriel : info@cultureetdemocratie.be.
    .. Entrez lire.
    . Tél. 02 / 513 46 74.
    . Courriel : info@entrezlire.be


    PAF
    Pour assister à cette rencontre, un badge (9 ou 12 euros) qui permet l’accès à l’ensemble des rencontres littéraires dominicales du festival Passa Porta, est nécessaire. Retrouvez le programme complet du festival sur: www.passaporta.be

    RépondreSupprimer
  2. ...Avant ça, et pendant ce temps là, au même endroit…

    . 15.45.
    Lecture.
    Voyage à travers les récits d'exil et les périples extraordinaires de ceux qui tentent la traversée du monde, d'une rive à l'autre. Les lectures (courtes) se font dans l'intimité d'une caravane bulle, rouge ou bleue. Alternativement en français et en néerlandais. L'occasion de rencontres étonnantes.
    Avec Daniel Hélin et Peter Holvoet-Hanssen notamment.

    15.15-16.30.
    Voyage autour de chez moi.
    Carnet d’un voyage multidisciplinaire de 3 semaines d’ateliers jusqu’à l’église du Béguinage. Des caravanes ont récolté des traces.
    Une installation sonore confessionnelle (Delphine Heymans), une criée publique (Delphine Auby), une funambule (Inge Cauwenbergh).
    Parcours sensoriel varié.
    Voyager, rencontrer, être ému, surpris, dépaysé, apprendre, revenir et raconter.
    Org.: Entrez Lire, Projet Caravane, Kalame

    14.30.
    Erwin Mortier et Lieve Blancquaert parlent de leur projet commun, Niemand weet dat ik een mens ben (Personne ne sait que je suis un être humain).
    Dans cet ouvrage, ils rassemblent des témoignages et des photos de demandeurs d'asile encore mineurs.
    Une rencontre unique avec certains de ces jeunes.
    Org.: Het beschrijf, Opvang vzw, dienst voor pleegzor

    RépondreSupprimer
  3. Le 8 mars, à la Fondation d’Entreprise Ricard

    Invitations à l'Imaginaire

    Michel Maffesoli invite Cédric Ingrand, journaliste, Michaël Dandrieux et Vincenzo Susca, chercheurs au CEAQ.
    À partir d'une archéologie de la technique, de ses usages premiers à la cyberculture contemporaine, Michel Maffesoli et ses invités analyseront comment au-delà du sommeil de la raison, le développement technologique peut "inventer" le présent, permettre à la "raison sensible" de trouver une intelligence qui corrigerait la démesure et arrêterait la dévastation du monde.
    Après son œuvre de désenchantement, la technique pourrait participer, en quelque sorte, au réenchantement du monde.

    Le mardi 08 mars 2011 à 19h - Entrée libre
    Fondation d'Entreprise Ricard
    12 rue boissy d'anglas
    75008 Paris
    Metro: Concorde ou Madeleine
    www.fondation-entreprise-ricard.com

    RépondreSupprimer
  4. Journée Technomagie
    Le 8 Mars

    A l’occasion de la parution de leur 3e numéro, les auteurs des Cahiers Européens de l’Imaginaire et le Centre d’Etude sur l’Actuel et le Quotidien (CeaQ) organisent un colloque, la journée du mardi 8 mars 2011, pour rassembler jeunes chercheurs, professeurs et entrepreneurs autour du thème de la technique et de la magie.
    Matin et après-midi à l’Ecole de médecine, soirée à la Fondation pour l’Art Contemporain Ricard.

    10H • OUVERTURE : ARCHAISME ET TECHNOLOGIE
    par Michel Maffesoli, Professeur à la Sorbonne, Institut Universitaire de France

    10H30 • ANTICIPER LE PRESENT
    Présidé par Michel Maffesoli

    L’ère de la destruction créative
    par Marcos Troyjo, professeur à Rio de Janeiro, PDG de WISeKey

    La futurologie
    par Stéphane Hugon, sociologue de l’imagianire

    L’écrit va-t-il sauver l’écran ?
    par Xavier Dordor, DG du Syndicat de la Presse Magazine, DG d’Audipresse

    11H45 • LE GOLEM

    Présidé par Marcos Troyjo, professeur à Rio de Janeiro, PDG de WISeKey.

    L’oeuvre après la mort de l’auteur
    par Julie Portier, journaliste, critique d’art.

    Mythos ex machina
    par Aurélien Fouillet, sociologue de l’imaginaire.

    L’insomnie de la raison produit des monstres
    par Wilfried Coussieu, sociologue de l’imaginaire.

    ./...

    RépondreSupprimer
  5. ./...

    14H • LITURGIE DES PETITS DIEUX
    Présidé par Michaël V. Dandrieux, Directeur éditorial des Cahiers européens de l’imaginaire.

    Je suis un cheval en bois, anatomie de l’artiste
    par Julien Isoré, artiste-peintre et plasticien.

    L’imaginaire techno-urbain
    par Julietta Leite, sociologue de l’imaginaire.

    Mythanalyse du métal héros.
    Technologies et super-pouvoirs
    par Frédéric Vincent, sociologue de l’imaginaire.

    Readiymate : la république populaire des objets interactifs
    par Olivier Mevel, entrepreneur, inventeur du Nabaztag

    15H15 • DO ANDROIDS DREAM OF ELECTRONIC SHEEPS
    Présidé par Fabio La Rocca, sociologue visuel.

    Dieux artificiels : du corpus hermeticum aux théories de la singularite
    par Rémi Sussan, journaliste

    La technomagie et l’accomplissement de la métaphysique
    par Raphaël Josset, sociologue de l’imaginaire.

    Medias sociaux ?
    par Laurence Saquer, sociologue & consultante en communication digitale.

    Long live the new flesh. La chair électronique, l’érotisme et la mort
    par Vincenzo Susca, Directeur éditorial des Cahiers européens de l’imaginaire.

    16H30 • CONCLUSION
    par Jean-Didier Vincent, biologiste et membre l’Académie des Sciences.

    RépondreSupprimer