samedi 30 juillet 2011

Libéralisme. Sous les gavés, la rage ?


Crise économique,
printemps arabe,
mouvements des indignés...
Sous les gavés, la «rage»?
Une situation
dont, quoi qu'il en soit,
il serait un peu facile
de rendre le libéralisme responsable.
Il n'empêche:
des questions se posent...
Et si les fondements anthropologiques
de ce mode de pensée
nous conduisaient
au-delà d'une judicieuse autonomie?
Et s'ils nous entraînaient
vers les périlleux excès
de l'indépendance inconditionnelle?
Et s'ils ouvraient
le plus large des boulevards
à un individualisme de l'ego?

Le libéralisme affirme comme principe premier de la vie politique la défense des droits de l’individu: le but de l’organisation politique est, selon le magazine Sciences Humaines, «d’offrir aux individus la liberté de penser, de croire, de circuler, d’organiser leur vie comme ils l’entendent dès lors que la liberté d’autrui n’est pas menacée.» (1)
L’Etat n’a donc nullement à se préoccuper du bien.
Seulement du juste.
Question de tolérance…
«Les libéraux réitèrent ainsi la confiance moderne dans la raison, écrit Laurent De Briey.
Mais en restreignant l’étendue des questions qu’elle est apte à trancher.
» (2)
Ils «considèrent que les principes de justice sont susceptibles d’être justifiés par la raison, tandis que le choix d’une conception du bien relève des préférences subjectives de chaque individu.» (2)
Par ailleurs, certains auteurs parlent d’un glissement de la compréhension de la liberté qui se serait produit à la charnière des dix-huitième et dix-neuvième siècles.
De la liberté entendue comme autonomie, on serait passé à une liberté vécue, voire pensée, comme indépendance.
Depuis lors, être libre, c’est moins agir conformément à la raison que pouvoir se comporter comme on le souhaite. (3)

Fondements anthropologiques, ' connais pas !

Cette double évolution a sans doute été facilitée par le fait que le libéralisme ne se sent absolument pas tenu de se prononcer sur la question de savoir si la raison peut déterminer quelle est la meilleure manière de vivre.
«Il peut rester agnostique sur ce point et se contenter de considérer que, au niveau politique, le recours à la raison n’est légitime que pour trancher des questions de justice sans pour autant nier que, sur le plan privé, il soit possible de fonder sur la raison la supériorité d’une conception du bien sur toutes les autres.» (2)
Le libéralisme considère en effet «les préférences des individus comme données.
Il ne s’intéresse pas à la manière dont ces préférences se forment.» (2)
Les mécanismes de formation des identités sont donc appréhendés comme des boîtes noires.
Une stratégie d’évitement qui, de facto, ouvre le plus large des boulevards aux abus de l’individualisme… (4)(5)(6)

Christophe Engels

(1) Les trois piliers de l’âge démocratique, in Les Grands Dossiers des Sciences Humaines n°14, mars – avril - mai 2009, p. 16 et 17.
(2) De Briey Laurent, Le sens du politique. Essai sur l’humanisme démocratique, Mardaga, Wavre, 2009. Pour rappel (voir notamment le précédent message de ce blog), Laurent De Briey est directeur du Centre d'études politiques, économique et sociales (CEPESS), proche de ce parti belge francophone de tendance centriste qu’est le Centre Démocrate Humaniste.
(3) Voir notamment Renaut Alain, L’ère de l’individu, Galllimard, NRF, Paris, 1989.
(4) Le contenu de ce message est extrait de Engels Christophe, Libéralisme. Vous voulez dire "individu"..., in Perso, Regards personnalistes, n°18, mai 2009, pp.6-7.
(5) On notera ci-après, pour information, la réaction que le très libéral (d’obédience hayekienne) Corentin de Salle avait fait parvenir au magazine Perso/Regards personnalistes, à l'occasion de la première parution du texte dont est extrait le message ci-dessus (voir note précédente). Cette réaction, qui n'avait été publiée que partiellement par manque de place, est reprise intégralement ici: «En gros, je pense que l'explicitation de la distinction qu'opère Laurent De Briey entre libéralisme empiriste et libéralisme rationaliste n'est pas pertinente. Hayek se définissait lui-même comme un rationaliste mais son épistémologie se réfère explicitement à une rationalité limitée (au sens kantien du terme): dans un monde complexe où la quantité d'information à laquelle peut accéder chaque acteur est extrêmement limitée, l'individu, quand il prend ses décisions, le fait, non pas en vertu d'un pur subjectivisme, mais, bien au contraire, en se référant à ce qu'Hayek appelle des "règles de juste conduite", c'est-à-dire des normes séculaires, issues de la pratique, et en perpétuelle évolution. C'est uniquement en se référant à ces "patterns", ces recettes qui fonctionnent, que l'homme réussit la plupart de ses actions. La violation de ces règles de juste conduite (dont la généralisation et l'obligatoriété sont garanties dans les différentes démocraties par leur traduction dans le droit via le processus parlementaire mais aussi la jurisprudence) est sanctionnée par le pouvoir judiciaire. Il est faux de prétendre que le libéralisme empirique "ne disposerait d'aucun argument pour réprouver" l'attitude de celui qui viole ces normes. Celui qui enfeint ces dernières sera sanctionné. Son comportement porte en effet atteinte à la sécurité juridique (droit de propriété, respect des contrats, etc.) et fausse dès lors les anticipations légitimes des acteurs.
Cette rationalité théorique a également son correspondant dans la rationalité pratique: le néolibéralisme promeut effectivement le pluralisme des valeurs et fait de la conception du bien une affaire privée. Mais cela ne débouche pas, de facto, sur le subjectivisme moral. Les acteurs vont appliquer les règles morales validées par la tradition. Si le libéralisme empiriste croit aux vertus de la tradition, ce n'est pas par conservatisme étroit mais bien parce que le fait que ces règles soient parvenues jusqu'à nous prouve qu'elles fonctionnent, qu'elles rendent des services appréciables à la communauté. C'est aussi le gage d'une certaine souplesse et d'une faculté d'adaptation. Ces règles s'améliorent avec le temps car elles sont affinées, adaptées par l'expérience (processus de sélection culturelle des règles). A ce titre, affirmer que le libéralisme empirique serait dénué de fondements anthropologiques, c'est ignorer totalement la compréhension très fine du fonctionnement des sociétés humaines et de l'esprit humain développée par la tradition libérale, ce qui, précisément, tient à son caractère "empirique". Selon le libéralisme, la société ne peut fonctionner sans règles. Mais ces dernières ne se déterminent pas en vertu d'une délibération rationnelle (dans une situation fictive de type habermasien ou rawlsien). Elles sont issues de la pratique. Elles naissent par accident ou selon un processus semi-conscient. Celles qui fonctionnent bien sont imitées et adoptées par d'autres acteurs (mimesis). Elles se répandent et finissent, en raison de leur pertinence, par être intégrées dans la législation. Ainsi le libéralisme n'est pas un courant qui s'opposerait aux normes. Il s'oppose juste aux normes qui ne sont pas issues de la pratique, qui n'ont pas été "selectionnées" par l'expérience. C'est malheureusement le cas de la plupart des normes et règlementations actuelles qui sont concoctées, au sommet, par des experts et autres ingénieurs sociaux.
»
(6) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. au (post-)libéralisme (d'après et par Laurent de Briey),
. à une présentation de la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du bonheur par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à une approche du sens de la vie par la psychologie positive (par Jacques Lecomte),
. à plusieurs aspects de la Communication Non Violente et à l'Université de Paix (d'après Marshall Rosenberg, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels,
. à l’Approche Centrée sur la Personne (d'après Carl Rogers, avec l’aide précieuse de Jean-Marc Priels),
. à la reliance et à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),
. au personnalisme...

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