vendredi 4 mai 2012

Visionnaire, la reliance ?



Visionnaire, 
la reliance?
Oui.
Sous certains aspects
du moins.
A commencer par un:
ce concept 
semble mieux adapté  
que tout autre 
à l'expression
d'une réalité 
aujourd'hui 
émergente. 
Dixit Marcel Bolle de Bal (1)...
  
Marcel Bolle de Bal

D’aucuns, au premier rang desquels Renaud Sainsaulieu ont émis quelques doutes sur l’utilité et la spécificité du concept de reliance: pourquoi créer un mot presque nouveau pour décrire une réalité déjà habillée d’une garde-robe conceptuelle bien fournie; appartenance, intégration, aliénation, dépendance, dominance, adhésion, participation ne constituent-ils pas une panoplie surabondante de concepts psychosociologiques bien introduits en chaires?

Spécificité du concept

Ma conviction est que ce terme est utile, nécessaire, qu’il exprime une réalité émergente, dont l’émergence est liée à l’évolution du système social global et dont aucun des autres concepts ne rend compte de façon réellement satisfaisante, c'est-à-dire avec une précision suffisante.

Encore convient-il d’étayer cette opinion, de justifier ce jugement, de démontrer la spécificité du concept de reliance par rapport à ses concurrents ayant pignon sur rues académiques.

J’y ai consacré quelques analyses que, faute de place, je ne peux songer à reprendre ou développer (2).

J’ai ainsi pu mettre en évidence que la reliance ne pouvait être confondue, entre autres ni avec l’appartenance, ni avec la dominance, ni avec l’affectivité.

Avec l’appartenance, tout d’abord.
Reliance et appartenance constituent deux réalités –deux états, deux actions ou deux aspirations– qui, tout en possédant une partie commune (la reliance en tant qu’appartenance à un groupe social particulier, l’appartenance en tant qu’impliquant une certaine reliance) se dépassent manuellement, se différencient par des traits spécifiques: la reliance peut exister indépendamment de l’appartenance, l’appartenance exige d’autres ingrédients que la reliance.

Avec la dominance et l’affectivité, ensuite. 
Les relations sociales, les liens psychosociaux charrient la plupart du temps des éléments de dominance et d’affectivité, mais ces deux notions ne peuvent être confondues avec celle de reliance (3).
Chronologiquement, dans un échange social, la reliance intervient en premier lieu au moment de la formation de la relation, alors que la dominance et l’affectivité se développent lorsque la relation est nouée. 
La reliance ne concerne que le fait de relier, d’être relié ou de se relier, non le désir de dominer ou les sentiments affectifs qui peuvent le teinter d’une coloration particulière. 
La démarcation entre ces deux concepts est indispensable si l’on souhaite conserver à celui de «reliance» son potentiel descriptif et analytique.

Le terme liens pourrait, lui aussi, paraître adéquat pour décrire la création de liens sociaux.
Toutefois, il lui manque, par rapport au concept de reliance, trois dimensions essentielles: sociologiques (la «complémentarité» définie par Eugène Dupréel), philosophique ( la reliance cosmique), psychologique (la reliance à soi). 
D’autres termes, tels «interaction», «alliance», «relation» ou «interpersonnel» (à propos desquels Renaud Sainsaulieu s’est demandé s’ils ne suffisaient pas à rendre compte de la réalité à décrire) ne me paraissent guère exprimer, par eux-mêmes et de façon aussi synthétique, les trois dimensions sociologiques du concept de reliance: la médiatisation, la médiation et le produit. 
Au lecteur de juger et d’apporter, s’il le veut, sa critique constructive: elle sera très appréciée. (4)(5)

(A suivre)

Marcel Bolle de Bal

(1) Le (psycho)sociologue belge Marcel Bolle de Bal est professeur émérite de l'Université Libre de Bruxelles et président d'honneur de l'Association Internationale des Sociologues de Langue Française. Il a été consultant social (durant de nombreuses années), conseiller communal à Linkebeek, en périphérie bruxelloise (1965-1973, 1989-2000), lauréat du Prix Maurice van der Rest (1965). Il a signé plus de 200 articles et une vingtaine d'ouvrages, parmi lesquels...
. Les doubles jeux de la participation. Rémunération, performance et culture, Presses Interuniversitaires Européennes, Bruxelles, 1990;
. Wegimont ou le château des relations humaines. Une expérience de formation psychosociologique à la gestion , Presses Interuniversitaires Européennes, Bruxelles, 1998;
.
Les Adieux d'un sociologue heureux. Traces d'un passage, Paris, l'Harmattan, 1999;
. Le Sportif et le Sociologue. Sport, Individu et Société, (avec Dominique Vésir), Paris, l'Harmattan, 2001;
. Surréaliste et paradoxale Belgique. Mémoires politiques d'un sociologue engagé, immigré chez soi et malgré soi, Paris, l'Harmattan, 2003;
. Un sociologue dans la cité. Chroniques sur le Vif et propos Express, Paris, l'Harmattan, 2004;
. Le travail, une valeur à réhabiliter. Cinq écrits sociologiques et philosophiques inédits, Bruxelles, Labor, 2005;
. Au-delà de Dieu. Profession de foi d'un athée lucide et serein, Bruxelles,Ed. Luc Pire, 2007;
. Le croyant et le mécréant. Sens, reliances, transcendances" (avec Vincent Hanssens), Bierges, Ed. Mols, 2008.
(2)
Marcel BOLLE DE BAL, Reliance sociale, recherche sociale, action sociale, op. cit., pp. 48-56

(3) Michel Crozier souligne avec force que toute relation à l’autre implique des éléments de pouvoir et de dépendance. Cf. notamment Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, L’acteur et le système social, Paris, Seuil, 1977, pp. 178 et ss.
(4) Le contenu de ce message nous a été envoyé par l'auteur, que nous remercions. Il constitue la quatrième partie d'un texte qui a déjà fait l'objet d'une publication: Bolle de Bal Marcel, Reliance, déliance, liance: émergence de trois notions sociologiques, in Sociétés 2003/2 (no 80), pp.99-131. Le solde du texte original suivra. Le titre et le chapeau sont de la rédaction.
(5) Pour suivre (sous réserve de modifications de dernières minutes): des messages consacrés
. à la reliance, à la déliance et à la liance (par Marcel Bolle de Bal),
. à la sociologie existentielle (par Marcel Bolle de Bal),

. au personnalisme (par Vincent Triest, Marcel Bolle de Bal...)....

1 commentaire:

  1. Invitations à l'Imaginaire 9 mai 2012

    Bonjour,

    Le Centre d'Etude sur l'Actuel et le Quotidien (CeaQ) vous invite à la prochaine rencontre des "Invitations à l'Imaginaire":
    «Cartographie : les belles infidèles»
    Michel Maffesoli reçoit
    . Stéphane Hugon, directeur d'Eranos,
    . Alex Toledano, Université de Californie, Berkeley, président de Bedrock Images LLC,
    . Michaël V. Dandrieux, chercheur au Ceaq.

    Divers modes de représentation, catalogues, statistiques, tentent de dresser un monde en plus petit, mais essentiellement fidèle. D'autres, auxquelles il faut faire de la place, intègrent dans la technique de représentation même, une forme de création.
    Elles tentent de décrire et d'enrichir le monde tout à la fois.
    Certaines de ces cartographies, comme la sociologie de l'imaginaire, utilisent le mythe, l'image et la métaphore pour tracer un territoire.
    Ces petites infidélités à la réalité objective parlent parfois mieux de l'expérience quotidienne.

    Le mercredi 09 mai 2012 à 19h
    Entrée libre
    Fondation d'Entreprise Ricard
    12 rue boissy d'anglas
    75008 Paris
    Metro: Concorde ou Madeleine

    Cordialement

    Le CeaQ

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