vendredi 14 juin 2013

Scinder les banques. Roosevelt.be entre en campagne




Spéculation:
pas avec 
mon pognon!
Le collectif
entre en 
Pour séparer
banques qui
spéculent 
et banques 
qui prêtent...


En Belgique comme ailleurs, ils sont nombreux à redouter le pis-aller d'un futur nouveau sauvetage des établissements financiers.
A demander qu'on sécurise l’argent des impôts.
A revendiquer qu'on protège l'épargne contre les activités spéculatives des banques... 

Il n'y a plus d'abonnés au numéro que vous demandez... 

Après la crise financière de 2008, les Belges, eux aussi, ont entendu de belles promesses portant sur la régulation de la finance.
Aujourd’hui pourtant, les… intéressées restent encore et toujours autorisées à spéculer avec leur argent. 
Et tout porte à croire que, si demain une telle complaisance avait à nouveau pour résultat de les mener au bord de la faillite, l’Etat recommencerait à les sauver en puisant dans la manne publique.
D’où le (double) appel solennel lancé par Roosevelt.be à l'adresse des autorités politiques du pays…
. A l’heure de discuter du projet de loi sur la séparation des métiers bancaires, ne cédez pas à la pression des lobbies.
. Et n’oubliez jamais que leurs arguments techniques ont vocation à vous convaincre de laisser libre cours à un petit jeu qui leur rapporte gros, en dividendes et en bonus.

Pour la régulation, tapez... zéro !

C'est que, cinq ans après le rachat de Dexia et Fortis, les banques restent autorisées à spéculer avec l'argent des épargnants.
Si, si...!
Quand elles gagnent, elles empochent leurs gains.
Mais quand elles perdent, il revient à l'Etat de les sauver.
Un scénario qui leur rapporte aussi gros qu'il ne coûte aux épargnants et aux citoyens.
«Nous pouvons pourtant les empêcher de spéculer à notre détriment, affirme haut et fort le responsable de la campagne "Spéculation: pas avec mon pognon!", Michel Cermak
Car un projet de loi sera bientôt déposé sur la table du gouvernement fédéral...» 
But de l'opération législative: tendre à la séparation des métiers bancaires... 
. d’une côté, les banques de dépôt, qui collectent l’épargne et prêtent aux entreprises; 
. de l'autre, les banques d’affaires, libres de viser les hauts rendements et de prendre le risque de la faillite.

C'était avant... 

Belgique (1), «reste» de l'Europe, Etats-Unis...: même topo!
Un peu partout, des lois de ce genre ont déjà existé..
Qui ne sont pas pour rien dans le faste de ces trois décennies que constituèrent les Trentes Glorieuses. 
Mais c’était avant… 
Avant que les lobbies bancaires ne parviennent à obtenir leur abolition. 
Et ce pour des raisons semblables à celles qui les incitent encore, aujourd’hui, à vider le projet de loi de son contenu, sinon à lui faire barrage. 
Et un questionnement, du coup, de se faire jour...
N'est-il pas temps d’en tirer les conclusions?
De rappeler aux élus belges qu’ils sont au service du citoyen?
De les enjoindre de résister à la pression?... 

Règles à géométrie variable 

Il conviendrait, en d'autres termes, de changer les règles du jeu. 
Car les modalités actuelles font fi de la plus élémentaire équité. 
Quand elles spéculent avec notre épargne, les banques engrangent des millions de plus-values et font la joie de leurs actionnaires et dirigeants, qui y gagnent respectivement en dividendes et en bonus. 
Mais que leurs stratégies risquées les mènent au bord de la banqueroute et voilà que, comme par miracle, la donne change subitement: l’Etat, alors, est appelé à la rescousse. 
Rappelez-vous Fortis et Dexia, en 2008. 
Et le renflouement dont elles firent l’objet. 
Au nom -explication bien commode!- de la menace qui pesait sur l’épargne du citoyen… 

Réformer, et pas qu'un peu !

Comment s'étonner, dans ces conditions, de voir apparaître, au sein du premier des trois chantiers (2) proposés par le collectif Roosevelt, un (septième) point intitulé (3) «Interdire aux banques de spéculer avec notre argent»?
«La crise bancaire actuelle trouve son origine dans le fait que depuis les années quatre-vingt, les autorités se sont mises à tolérer et parfois même à encourager les banques à se lancer dans la spéculation financière, y trouve-t-on stipulé. 
Tandis qu’avant cette période, il existait en Belgique et dans beaucoup d’autres pays une stricte séparation entre les banques de dépôts et les banques d’affaires, limitant les activités spéculatives à ces dernières, cette séparation fut graduellement éliminée, rendant possible que la banque de dépôt du coin de la rue se lance dans des activités financières à haut rendement risquées. 
Cela pose deux problèmes...
. D’une part, les banques de dépôts sont fragilisées car elles reçoivent des dépôts à court terme et prêtent à long terme. 
Si les déposants décident de retirer leurs dépôts en masse, c’est la faillite.
. D’autre part, l’Etat garantit, explicitement ou non, une grande partie des dépôts. (...)
En définitive, la législation actuelle encourage les banques à privatiser les profits et socialiser les pertes.»
Appel est donc lancé à une réforme du système bancaire européen.
Qui plus est,... sans s'arrêter à mi-chemin! 
«La réforme de la structure du système bancaire, incluant la scission, est le complément nécessaire à la mise en œuvre d’une véritable Union bancaire (ce qui inclut un système unique de supervision et de protection des dépôts) telle que proposé par la Commission européenne le 12 septembre 2012 et d’un mécanisme de résolution des défaillances des banques proposé le 6 juin 2012. 
L’Union bancaire sans scission manquerait l’objectif et empirerait la situation d’aléa moral, avec des prises de risques couvertes par l’UE. 
De plus, la loi actuelle pousse les banques à privilégier les activités spéculatives au détriment de l’investissement dans l’économie réelle. 
Les prêts aux institutions non financières et aux ménages ne constituent que 28% des bilans des institutions financières européennes. 
En Belgique, ce chiffre est de 24% pour BNP-Paribas, 39,2% pour Belfius, 58,5% pour ING et 17,4% pour la Deutsche Bank.»
Un des intérêts de cette réforme serait donc aussi d’obliger les banques de dépôt à se mettre bien davantage au service des Petites et Moyennes Entreprises (PME) qu’elles ne le sont aujourd’hui.
«Si les banques ne peuvent plus utiliser nos dépôts pour des activités spéculatives à 10 ou 15 % de rentabilité, elles accueilleront sans doute mieux les responsables de PME qui ont besoin de financer des projets de développement "normaux".»
Des PME dont la création et la croissance devraient par ailleurs bénéficier d'un regain de bienveillance de la part des collectivités locales et de l’Etat. 
«Il faut en particulier améliorer l’accompagnement des créateurs d’entreprises et les aider dans le pilotage quotidien de ces entreprises.»

Réfléchir ET agir

La conclusion est claire: pour éviter que les banques ne continuent ainsi à s’en donner à cœur joie, le moment est venu de prendre du recul.
«Il s'avère plus que jamais nécessaire de passer au crible de la critique les idéologies sous-jacentes au système qui est le nôtre, explique l'économiste émérite Robert Cobbaut (4). 
Nécessaire aussi de conscientiser au fait que la théorie de l'efficience du marché produit de l'idéalisation vraie.
Réfléchir les fondements de l'économie de marché devrait permettre de construire des solutions concrètes.»
«Du concret, le collectif Roosevelt en propose justement, abonde le politologue Pierre Verjans (5)
C'est l'un de ses deux plus grands atouts. 
Avec son côté rassembleur: un large panel de personnalités compose son comité scientifique.»  
«La question centrale de l'époque, c'est la précarité, ajoute le sociologue Mateo Alaluf (6).  
La preuve par la santé et la sécurité.
Des matières pour lesquelles l'Union européenne a d'abord fonctionné par "directive". 
Puis par "recommandation". 
Avant d'en arriver, ces dernières années, à ne plus produit ni les unes ni même les autres. 
C'est dire si des initiatives comme celles du collectif Roosevelt tombent à point nommé...»
«Non pas que, prises une à une, les propositions en question soient particulièrement originales, reconnaît le déjà cité Michel Cermak.
Si elles le sont, c'est probablement davantage par la manière dont elles s'assemblent en un tout cohérent.»
 
Faire... sauter la banque ! 

La réflexion, oui.
Mais dans l'action! 
Tel est, en Belgique aussi, le leitmotiv du collectif Roosevelt.
Qui considère qu'il est plus que temps de prendre des mesures. 
A commencer, donc, par celle qui consiste à séparer banques de dépôt et banques d’affaires. 
Rien de nouveau sous le soleil. 
En 1933 déjà, Franklin Delano Roosevelt y alla d’une initiative de ce type. 
C’était au lendemain de la crise de 1929. 
En faisant voter le Glass-Steagall Act, le président américain ne laissa que quelques semaines aux banques pour mettre en oeuvre des réformes drastiques. 
Les actionnaires, furieux, s’y opposèrent à toutes forces. 
Mais Roosevelt tint bon. 
Les catastrophes annoncées? 
On les attend toujours. 
Et l’économie U.S. a vécu sous ce régime pendant un demi-siècle. 
Jusqu’à son abolition dans les années 1990.
Sous la pression corporatiste... 

Vite fait, bien fait ! 

Vues la vitesse de propagation de la crise financière et sa transformation en crise bancaire mondiale, l’heure est donc venue, désormais, de rétablir les règles entre-temps abrogées. 
D’autres pays ont déjà légiféré en ce sens. 
Il ne convient pas seulement de suivre leur exemple. 
Il faut faire mieux qu’eux. 
Ainsi, si le principe d’une séparation étanche entre banques de dépôt et banques d’affaires a été acté en Grande-Bretagne, les lobbies ont obtenu que son application soit repoussée à… 2019! 
«C’est évidemment beaucoup trop tard, tranche Cermak. 
Car le risque est grand qu’une crise majeure n’éclate bientôt sur les marchés financiers.» 
Il s’agit de mettre au plus vite l’économie réelle à l'abri. 
Et, pour ce faire, d’accélérer le mouvement. 
Une condition sine qua non si l'on veut éviter que des banques universelles ne profitent de leur gigantisme pour prendre la société en otage. 
«Too big to fail», expliquera-t-on le cas échéant: trop importantes pour qu’on puisse les laisser tomber en faillite. 
Le cas de la France n’est pas moins éclairant. 
La loi de réforme bancaire qui y a été votée en mars 2013 prévoit bien une forme de séparation des métiers concernés. 
«Ne commettons pas les mêmes erreurs, implore celui qui vient aussi d'être désigné porte-parole de Roosevelt.be
Revenons plutôt à l’esprit de la loi qui, en vigueur dans notre pays de 1934 à 1993, fut l’une des plus strictes au monde sans que l’économie n’ait à en souffrir. 
Tirons-en les conclusions qui s’imposent. 
Et montrons, cette fois encore, que le citoyen est capable de tenir tête à ces banques qui ne pensent qu’à préserver leurs profits.» 

Jeu de loi 

Les conclusions qui s'imposent?
Pour la famille (toujours plus) nombreuse du collectif Roosevelt, elles sont claires...
Au citoyen d'investir l’énergie susceptible de contrebalancer la puissance des lobbies bancaires. 
Ceux-là mêmes dont on ne voit pas très bien les raisons pour lesquelles ils s’abstiendraient de recourir à leur force de frappe et à leur «expertise technique». 
Ceux-là mêmes dont on connait la propension à... «embrouiller» (!) nos dirigeants. 
Ceux-là même dont on entrevoit le réel objectif… 
Une loi réduite à la portion congrue. 
Ou alors pas de loi du tout... 
«Pas de quoi ébranler notre résolution, assure notre interlocuteur. 
Il ne sera pas dit que onze millions de Belges n'auront pas su défendre leurs droits face à quelques centaines de banquiers!» (7)

C.E.

(1) De 1934 à 1993.
(2) «Eviter l'effondrement».
(3) Dans le plat pays.
(4) Université Catholique de Louvain.
(5) Université de Liège.
80 ans déjà...

Le Glass-Steagall Act,
reçu avec grande distinction...

C'était il y a 80 ans. 
Parmi une vaste série de mesures prises en extrême-urgence, le Président américain Franklin D. Roosevelt promulguait le Glass-Steagall Act.
Une loi qui érigeait une distinction entre deux métiers bancaires:
. la banque de dépôt ou banque commerciale (commercial banking en anglais), qui concerne les activités de prêts et de dépôts,
. la banque d'investissement (investment banking en anglais) ou banque d'affaires (à laquelle sont ajoutées les sociétés de bourse: les brokers), qui recouvre les opérations sur titres et valeurs mobilières. 
Dorénavant, l'exercice simultané de ces métiers par une même entité était déclaré incompatible: les banques existantes devaient choisir d'abandonner l'un ou l'autre.


 Côté France...

Côté France aussi, le collectif Roosevelt maintient la pression.
Mardis du collectif pour faire bouger les députés, soutien à la marche des chômeurs précaires du 10 juin au 6 juillet), journée d'action et de mobilisation (ce 15 juin, à Paris), débat (Diagnostic et propositions, ce 15 juin au Centre Culturel Emmanuel Mounier de Strasbourg)...
Sans compter la parution, dans Le Monde de ce 14 juin, d'un article dont est tiré l'extrait suivant...  


Gare au prochain tsunami financier
Petite récession ou crise de civilisation? 
La réponse est évidente. 
Non, ceci n'est pas une "petite récession"!
Une banale récession comme nous en avons déjà connu quatre en quarante ans. 
Edgar Morin a raison: nous sommes face à une crise de civilisation
Comme celle de 1929, cette crise peut conduire à la barbarie: guerre aux frontières de la Chine, guerres pour l'eau ou pour l'énergie, émeutes urbaines et montée de l'extrême droite en Europe... 
Si nous continuons à laisser pourrir la situation, si nous continuons à mettre quelques rustines en misant sur un miraculeux retour de la croissance (auquel plus personne ne croit) tout cela peut, en quelques années, finir dans un fracas terrifiant. (...)
Crise sociale, crise financière, crise climatique, crise démocratique, crise du sens...: dans tous ces domaines, nous sommes proches d'un point de non-retour. 
L'humanité risque une sortie de route.  
C'est l'ensemble de notre modèle de développement qu'il faut changer, de toute urgence. (1)

(1) Retrouvez dans son intégralité la Tribune signée Pierre Larrouturou et Michel Rocard dans Le Monde du vendredi 14 juin et sur LeMonde.fr.

6 commentaires:

  1. Monsieur le Commissaire,

    Geachte Heer De Gucht,

    En tant que citoyen européen, je suis opposé à la mise en place d'un grand marché de libre échange avec les USA. C'est totalement prématuré.



    Plusieurs raisons à cela :

    1. il est choquant de voir que notre grand voisin se donne le droit d'espionner tout citoyen européen avec ses grands systèmes informatiques, alors qu'il considère qu'il n'a pas le droit d'espionner ses propres citoyens. Il y a ainsi un déni total de la vie privée européenne de la part des USA. Pourquoi nous associer à un pays qui est prêt à violer systématiquement le droit à la vie privée des citoyens européens, qui est un droit de l'homme fondamental ? Comment une personnalité d'origine libérale comme vous pouvez accepter sans réagir ce genre d'intrusion dans nos libertés fondamentales ?

    2. Comment pouvons-nous faire un grand marché avec un pays qui applique encore régulièrement la peine de mort ? C'est contraire à l'esprit européen qui considère que ce type de traitement relève d'un traitement cruel, inhumain et dégradant, puisqu'il se fait à la suite d'une longue attente dans les couloirs de la mort. Par ailleurs, des protocoles ratifiés à la convention européenne des droits de l'homme rendent aujourd'hui illégale la peine de mort dans nos pays européens. L'Europe s'est construite notamment en supprimant la peine de mort. Ne l'oubliez pas.

    3. Au nom de leur interprétation de la liberté, en particulier économique, les USA auraient tôt fait de bousculer les protections sociales, économiques, environnementales et seraient prêts à nous faire payer cher et vilain ce qu'ils pourraient considérer comme une ingérence dans leur liberté de faire du profit. N'oublions pas que l'interprétation de leurs libertés économiques se fait à l'appui de leurs cours américaines et non selon les interprétations juridiques européennes.

    4. la production culturelle européenne est capitale pour le bien-être culturel, moral et spirituel des citoyens européens. Qu'en sera-t-il le jour où les seules productions cinématographiques seront nord-américaines ? Il y a le droit à l'expression culturelle des peuples européens que vous mettez en danger. Notre destin n'est pas d'être états-unien.

    5. vous évoquez une hausse de la croissance ! Qui profitera de cette croissance ? Je crains que ce soit cela seulement les multinationales et qu'un des bénéfices qu'elles en tireront, c'est de ramener tous leurs bénéfices aux USA sans plus payer d'impôt sur le continent européen. Cela coûtera donc beaucoup aux finances publiques européennes.

    6. ce que je crains aussi, c'est qu'un grand marché se fera dans des normes concurrentielles inacceptables: à quel prix sont payés les salariés américains? de quelle sécurité sociale disposent-ils ? Au nom de la compétitivité des entreprises européennes, nous en arriveront alors vite à un système où les salaires européens devront encore être réduits davantage, ce qui donnera encore plus de "working poor" en Europe. La sécurité sociale sera aussi considérée comme un poids trop lourd à financer pour la compétitivité des entreprises. On en arrivera à la rogner encore davantage. Croyez-vous que le citoyen veut cela ?

    7. enfin les USA jouent trop facilement des outis monétaires dans leurs relations économiques internationales. Ce n'est pas à négliger et il faut pouvoir s'en protéger.



    Non Monsieur De Gucht. Je ne suis pas d'accord. Ces accords économiques ne me laissent présager rien de bon. Ils seront mauvais pour l'Europe.

    Le Parlement européen est critique et il exprime la volonté des peuples d'Europe, il faut écouter ses nombreuses critiques. Sinon, où va la démocratie européenne ?



    Bien cordialement



    Eric Watteau

    Belgique

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  2. Réagissez avant qu’il soit trop tard : la crise économique est transformée en crise de la démocratie en Grèce.



    L’automne de la démocratie grecque



    Eclairante coïncidence : c'est justement le jour où la télé publique française diffuse pour la première fois, à une heure de grande écoute, une émission offensive sur l'évasion fiscale, une émission qui porte le fer dans la plaie, et désigne ces grands fraudeurs aux mains blanches nommés Mittal ou Amazon, HSBC ou British American Tobacco, c'est justement ce jour-là que le gouvernement grec, sous pression de la Troïka, ferme brutalement son propre audiovisuel public.



    Rien à voir ? Tout à voir. L'évasion fiscale est la clé de tout. Les démocraties en crèvent à petit feu, et en crèveront totalement, si elles ne trouvent pas un moyen de faire rendre gorge aux multinationales qui jouent à saute-frontières avec leurs bénéfices. Une lutte à mort est engagée, dans laquelle les Etats disposent notamment d'une arme : les médias, et notamment les médias publics. C'est le mérite de l'émission d'Elise Lucet d'avoir mis cette lutte à mort en images, en allant troubler les assemblées générales d'actionnaires des grands fraudeurs, de HSBC à Mittal, et en perturbant, dans la scène culte de l'émission, un déjeuner (addition 10 000 euros) de députés et hauts fonctionnaires français amateurs de cigares, invités par le cigarettier BAT, lui-même grand évasionneur fiscal. Depuis ses débuts, Cash investigation pratique ainsi l'intrusionnisme en lieu clos avec caméras, procédé télé qui n'apporte pas forcément de grandes révélations, mais dont l'efficacité est indéniable.



    Et le même jour, donc, le même soir, à la même heure, l'extinction des feux à Athènes. La Grèce n'a pas d'argent pour entretenir son audiovisuel public. Si elle n'a pas d'argent, c'est parce que l'évasion est, là-bas comme ici, un sport national, du contribuable de base aux armateurs, en passant par le clergé. Bien joué. Ne restent donc (outre les medias web indépendants, là-bas comme ici, bien sûr) que les médias des oligarques, et ce n'est pas eux qui dénonceront l'évasion fiscale. Il n'y aura pas d'Elise Lucet grecque. S'il y en a une, elle a été licenciée hier soir.

    …………………………………………………………….



    Mais il faut imaginer, en France, France 2, France 3, France 4, France 5, et toutes les stations de Radio France cessant d'émettre, pour laisser le champ libre aux radios et aux télés de nos armateurs à nous, Lagardère, Bouygues, et les autres. Mais il faut appeler les choses par leur nom : c'est un coup de force, auquel on a assisté hier. Un coup de force qui fait basculer la Grèce dans la catégorie des régimes autoritaires. On se demandait comment ça arriverait, quel visage prendrait ce basculement, que l'on sentait inéluctable, inscrit dans l'ordre des choses. Ça arrive donc ainsi, par la fermeture des émetteurs par la police.



    Ce n'est pas aux Grecs de régler seuls l'affaire. La Troïka, cette machine folle qui exige de la Grèce ces milliers de suppressions d'emplois, c'est nous. C'est le gouvernement français, le président français, qui doivent condamner le décret grec, et exiger de la Troïka qu'elle exige du gouvernement grec son annulation immédiate.



    Par Daniel Schneidermann (Texte integral http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=15683 )

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  3. Monsieur Olivier De Schutter, Rapporteur N.U. sur le droit à l'alimentation,



    Comme citoyen, je me permets ce courriel pour vous exprimer mon désarroi le plus profond. Ici en Belgique, la Commission de l'Economie de la Chambre vient d'adopter une proposition de loi relative aux volumes nominaux minimaux d'agrocarburants à incorporer dans les carburants fossiles. Ce texte double aussi le pourcentage minimum d'agrocarburant incorporé dans l'essence (jusqu'à 9%) et le diesel (jusqu'à 6%).



    Cette adoption d'un tel projet de loi par la Commission de l'Économie est particulièrement choquante. Elle fait fi de tous les appels à la raison qui ont été lancés par les associations de défense de l'environnement ou des droits de l'homme. Vous-même, vous avez de manière répétée évoqué les multiples conséquences néfastes de la production d'agrocarburants en lien avec le droit à l'alimentation. Votre dernier courrier - ici annexé - est plus qu'explicite à cet égard.



    Il est particulièrement troublant de voir que le législateur belge fasse si peu de cas de ses obligations de respect du Pacte des droits, économiques, culturels et sociaux, ici, l'article 11 sur le droit à l'alimentation. Il est troublant de voir que les appels de l'opinion publique à en finir avec les agrocarburants - car ces derniers ne sont pas légitimes auprès de l'opinion publique - ne sont pas entendus par les décideurs politiques. Seuls sont entendus les lobbies d'entrepreneurs, acteurs micro-économiques, et cela pose manifestement un problème de démocratie.



    Car la question est éminemment éthique. Les agrocarburants créent de la faim pour les plus pauvres dans le monde. Et aussi en Belgique ! Auparavant, nos surplus alimentaires servaient notamment à fournir les banques alimentaires nationales en ressources alimentaires pour veiller quelque peu au droit à l'alimentation des plus pauvres. Aujourd'hui, ces surplus ont disparu et les banques alimentaires ont des difficultés de plus en plus importantes à remplir leur mission de nourrir les plus pauvres qui s'y présentent. Je reçois assez d'appels aux dons des banques alimentaires pour savoir que la situation est intolérable. Ne fut-ce que de ce point de vue, produire de l'agrocarburant n'est pas éthiquement défendable et contrevient fondamentalement au respect de l'article 11 du PIDESC sur le droit à l'alimentation par les autorités belges.



    La question de l'euthanasie - qui concerne le droit de l'homme à la vie - est débattue longuement et cela appartient aux nécessités du débat démocratique. La question des agrocarburants devrait aussi être longuement discutée car, au minimum, cela fait déjà souffrir nos compatriotes de la faim. Elle concerne le droit de l'homme à l'alimentation ! Cela doit aussi appartenir au débat démocratique et ne peut pas être évacué dans l'urgence par des parlementaires qui apparaissent peu éclairés sur le champ des droits de l'homme.
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    Je voudrais aussi faire quelques commentaires qui me semblent essentiels.



    1. Les dispositions européennes favorisant les agrocarburants n'ont pas de caractère obligatoire (arrêt Plantanol GmbH & Co. KG contre Hauptzollamt Darmstadt du 10 septembre 2009 de la Cour de justice de Luxembourg à propos de la directive 2003/30). Il ne faut pas que les politiques nous fassent croire que l'usage des agrocarburants est obligatoire. Ce sont les énergies renouvelables qui doivent être utilisées. Il y a là une grande nuance.



    2. les agrocarburants ne sont pas bons pour l'environnement car ils contribuent à un épuisement de la biomasse et sont une atteinte à la biodiversité. Les agrocarburants exigent beaucoup de terres pour obtenir des récoltes qui fourniront les intrants nécessaires à la production d'agrocarburants. Ces terres s'obtiennent notamment par de grands et violents déboisements. Les débats devant la Cour constitutionnelle belge (rôle n° 4786) ont démontré que les importations d'agrocarburants non durables ont lieu sur le territoire européen et que les parties requérantes, à savoir les entreprises concernées par ces importations, ne sont pas sur le point de les stopper. Voir notamment le point A.12.3.1. de l'arrêt 149 du 22 décembre 2010: "Les parties requérantes affirment ensuite qu’il n’existe pas de marché international sur lequel elles peuvent acquérir des biocarburants durables, de sorte qu’elles doivent s’approvisionner auprès de producteurs individuels de biocarburants. Elles ajoutent qu’il n’est pas produit suffisamment de biocarburant durable à l’heure actuelle pour satisfaire aux obligations imposées par les dispositions attaquées." Il faut ajouter que les agrocarburants soi-disant durables selon les normes européennes ne le sont pas fondamentalement car ils se font notamment au détriment des terres agricoles vouées à l'alimentation, qui se développent donc au détriment des forêts tropicales, qui sont des puits de carbone. Les agrocarburants sont donc contraires à la convention sur la diversité biologique adoptée lors du sommet de Rio 1992.



    3. les agrocarburants sont une mauvaise mesure car ils détruisent les stocks de réserve alimentaire. Le phénomène de l'importance des stocks est anciennement connu. On en parle déjà dans la Bible: les 7 vaches grasses suivies des 7 vaches maigres. En détruisant les stocks de réserves, on enlève toute flexibilité possible pour répondre aux crises alimentaires. Les agrocarburants reposent sur une politique micro-économique de "toutes choses étant égales par ailleurs" alors que la réalité est autre et que la production alimentaire peut être sujette à des catastrophes alimentaires répétitives, dont le caractère structurel est aujourd'hui établi. Exemples récents: incendie des récoltes en Russie, grave sécheresse aux USA. Brûler des stocks de nourriture au titre de l'énergie est impertinent, indécent et irrationnel.

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    4. les agrocarburants ont un impact nocif sur les prix alimentaires et sont générateurs d'inflation. Il utile de rappeler qu'en 2008, les hausses des prix alimentaires ont conduit à une inflation induite de plus de 5 % en Belgique. Lorsque les prix alimentaires augmentent, la population s'inquiète légitimement et viscéralement pour son pouvoir d'achat et va agir de manière à augmenter ses revenus pour faire face au défi de la hausse des prix alimentaires. Les Chinois l'avaient compris dans le cadre ancien de leur économie planifiée: les autorités chinoises veillaient coûte que coute à éviter toute hausse des prix alimentaires, en particulier du riz, en raison de leur impact très inflationniste, même dans cette économie planifiée. Les agrocarburants représentent donc un problème macroéconomique avec un impact sur la valeur de la monnaie. Cf. World Development, Vol. 7, pp. 865-875 Pergamon Press Ltd. 1979, Inflation Control in the People's Republics of China 1949-1974, Isabelle TSAKOK, Banque Mondiale. La prudence implique donc que des acteurs micro-économiques ne développent pas une production qui puisse générer des bulles inflationnistes, difficiles à maîtriser. La Commission Economie ne peut pas non plus se limiter à tenir une réflexion micro-économique.



    5. il faut relever le manque de clarté et de transparence des autorités européennes quant à l'évaluation des agrocarburants. La Commission européenne en occulte, en effet, les effets pervers: des ONG ont ainsi été acculées à introduire un recours devant la Cour de justice de Luxembourg par rapport au fait que des rapports de la Commission auraient été non divulgués parce qu'ils mettraient en évidence les considérables dégâts humains pour les populations pauvres du tiers-monde [Journal officiel de l’Union européenne, 22.5.2010, Recours introduit le 8 mars 2010 — ClientEarth e.a./Commission, (Affaire T-120/10) Parties requérantes: ClientEarth (Londres, Royaume-Uni), Transport & Environment (Bruxelles, Belgique), European Environmental Bureau (Bruxelles, Belgique) et BirdLife International (Bruxelles, Belgique) (représentant: S. Hockman QC, Barrister).] Les parties requérantes demandent, au titre de l’article 263 TFUE, l’annulation de la décision de la Commission du 9 février 2010, par laquelle l’institution défenderesse a fait part de son intention de ne pas divulguer aux parties requérantes certains documents contenant des informations en matière d’environnement relatives aux émissions de gaz à effet de serre résultant de la production de biocarburants, rédigés ou utilisés par la Commission conformément à la directive 2009/28/CE. Par l'usage des agrocarburants, l'Europe va à l'encontre du protocole de Kyoto visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

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    6. La consommation obligatoire d'agrocarburants va à l'encontre de mon droit à une pratique de consommation liée à la liberté de pensée et de conscience telle que visée par l'article 9 de la convention européenne des droits de l'homme. Je considère que j'ai le droit d'acquérir des marchandises conformes à mes convictions. Il s'agit ici de pouvoir acquérir du carburant fossile non mélangé à des agrocarburants parce que les carburants fossiles n'ont pas les impacts négatifs des agrocarburants sur la capacité de s'alimenter des plus pauvres. La jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme permet de considérer comme une ingérence violant les droits de l'homme une consommation imposée qui va à l'encontre de la liberté de pensée, de conscience et de religion (cf. arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme du 7 décembre 2010, Jakóbski v. Poland). Mes convictions profondes sont que la nourriture doit prioritairement servir à nourrir le milliard d'affamés et les 2 milliards de mal nourris plutôt que remplir des réservoirs de voiture. Je considère aussi que les terres doivent servir prioritairement à l'alimentation. Les agrocarburants sont malheureusement un facteur de pressions sur les terres et de marginalisation des paysans pauvres.



    Vu l'ensemble des éléments repris ci-dessus, je considère qu'un vote en séance plénière du Parlement ne peut pas intervenir en raison de la discipline imposée des partis et devrait se faire - car c'est d'abord une question éthique - en fonction de la conviction individuelle des parlementaires, éclairée par le respect des droits de l'homme tels que repris dans les traités appropriés.



    Ma dernière réflexion: Peut-être est-ce parce que la fonction de nourrir autrui n'est pas assez masculine que l'importance du droit à la nourriture est tellement ignorée par les politiques, qui sont encore en majorité, de sexe masculin. Des études l'ont prouvé en Amérique latine.



    Je vous prie de croire, Monsieur le Rapporteur, à l'expression de ma haute considération,



    Eric Watteau

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