mercredi 31 décembre 2014

Voeux... vraiment meilleurs et... projets sincères!



























La cuvée existentielle 2015 
s'apparentera-t-elle
à un bon millésime
dans la lutte 

contre les excès 
d'un individualisme 
consumériste 
et contre les outrances 
d'un matérialisme 
acquisitif?
Espérons le.
Encore, pour ce faire, 

conviendra-t-il de remonter
à la source du
«mal».
C'est-à-dire
à... moi-même

Car plus les racines
sont profondes, 
plus les branches
peuvent s'étendre...



Que faire?
Telle est l'angoissante question soulevée par Alain Accardo (1).
Qui ne peut que constater le sentiment de rage indignée que nous sommes nombreux à éprouver devant l'état du monde et le cours des événements.
Sans qu'aucun d'entre nous -hélas!- ne s'avère en mesure, à ce stade, d'apporter aux vertigineux problèmes posés par ce qu'il faut bien appeler une maladie de civilisation la moindre réponse un tant soit peu aboutie.
«Nous n'acceptons pas que le sens de la vie humaine se résume à l'hédonisme niais, narcissique et sans âme du monde américanisé que nous font les multinationales, considère le sociologue français. 
Mais nous ne savons plus très bien ce qu'il faut changer des outres ou du vin qu'elles contiennent.» (2) 

Signe extérieur de sécheresse

Paradoxe: même quand il est qualifié de «radical», le combat mené contre les débordements du système tend à ne jamais s'attaquer aux racines du mal.
Et pour cause: ce système, nous ne savons pas exactement en quoi il consiste.
Et nous sommes bien incapables d'en circonscrire la substantifique moelle.
Tout au plus l'expression «système capitaliste» désigne-t-elle généralement un certain type d'organisation économique et sociale.
Renvoyant par là à une perspective partielle et réductrice....
«En vertu de cette conception du capitalisme, la lutte à mener pour changer les choses ne peut avoir d'autres objectifs que de diminuer ou contrebalancer la puissance des détenteurs du capital (les banques, les multinationales, les grands investisseurs, les fonds de pension, etc.) et à contrecarrer, sur le plan national ou international, les stratégies élaborées par leurs organismes institutionnels, leurs lobbies, et leurs dispositifs économico-juridiques (OMC, FMI, AMI, AGCS, etc.) ainsi que par les gouvernements acquis au néolibéralisme.
Quant aux moyens permettant d'atteindre ces objectifs, ceux auxquels on pense corrélativement ressortissent pour l'essentiel à l'action de type classique, c'est-à-dire à celle qui passe par le canal des organisations politiques et syndicales nationales, bien que celles-ci aient connu ces dernières années un net déclin, au bénéfice des structures associatives développant d'autres formes d'action plus spécifiques(3) 
Comme s'il suffisait de faire pression sur des interlocuteurs sociaux et/ou de changer de gouvernement pour transformer la société...
Comme si la lutte se situait essentiellement sur le terrain de l'opposition explicite entre des opinions réfléchies... 
Comme si cette manière de procéder n'avait pas démontré depuis longtemps toute son indigence, voire son inanité...

Ennemi intérieur

«Ces structures économico-politiques oppressives et inégalitaires ne pourraient pas fonctionner sans le concours de ce que certains sociologues ont appelé un "esprit du capitalisme", c'est-à-dire sans une adhésion subjective des individus qui engage, au-delà même des idées conscientes et des sentiments explicites, les aspects les plus profonds et les plus inconscients de leur personnalité(4)
Certes, les déterminations sociales proviennent de l'extérieur.
Mais une fois intégrées, elles commencent à agir de l'intérieur.
Via des réflexes automatiques.
Via des inclinations spontanées.
Via des sentiments personnels (5).
Le tout faisant l'objet d'un travail de rationalisation plus ou moins important.
Et sans que ce ralliement à la cause d'un capitalisme aveugle ne soit plus ressenti le moins du monde comme contraignant.
«D'un point de vue sociologique, la soumission au système relève, très généralement, moins d'une démarche volontaire que d'un ajustement pratique spontané et socialement conditionné, dont les mécanismes sont hors du champ de la conscience immédiate et ne peuvent s'appréhender clairement que par une socio-analyse -c'est à-dire une analyse en profondeur des effets des déterminants sociaux en chacun de nous- de nature à nous faire comprendre la façon dont le dehors s'installe aussi dedans et dont le dedans s'intériorise en retour dans notre rapport personnel au monde.» (6)

Et si l'ultra-individualiste, c'était d'abord... moi-même?

C'est que le fonctionnement du système de domination en question doit au moins autant aux dispositions intériorisées par les dominés qu'aux propriétés objectives des dominants.
Le monde capitaliste, en effet, repose sur le socle d'un ultra-individualisme dont les acteurs ne conçoivent l'existence qu'adossée à une compétition impitoyable.
«A trop insister sur les traits caricaturaux du personnel politique, nous risquerions de perdre de vue les ressemblances que ces hommes et ces femmes ont avec nous et de méconnaître que ce que nous condamnons chez eux n'est à bien des égards qu'une manifestation particulièrement voyante de propriétés que nous avons en commun.» (7)
Soit un ego pour lequel exister, c'est être en vue.
C'est être perçu comme une vedette.
C'est tirer son identité d'une représentation de moi-même applaudie par les autres.

Mon moi, ce héros...

«Il est probable qu'aucune de nos pratiques ni aucun de nos usages, considérés séparément, ne sont en soi de nature à nous aliéner totalement.
Un comportement isolé n'est qu'un point sur une ligne, qui ne dit rien de la pente de cette ligne.
Ce qui est en cause, c'est plutôt l'ensemble de notre style de vie et de notre ethos, c'est-à-dire du rapport existentiel que nous avons forgé avec le monde qui nous entoure, avec les autres et avec nous-mêmes.
» (8)
L'heure d'une remise en question fondamentale a donc sonné.
Celle de cet art de vivre que le système capitaliste a rendu possible et désirable aux yeux du plus grand nombre.
«Cet art de vivre (...) conduit chaque individu à se prendre égocentriquement pour l'alpha et l'oméga de la création, à ne reconnaître d'autre loi à chacune de ses pratiques et consommations que ses "sensations", sa fantaisie personnelle et la recherche insatiable du plaisir "libéré" de toute contrainte. » (9) 

Je te hais, moi non plus...

S'agirait-il, alors, de changer mes désirs plutôt que l'ordre du monde?
Absolument pas, rétorque Accardo.
«Ce sur quoi j'essaye d'attirer l'attention, c'est sur le fait que le monde existant n'est pas posé en face de nous comme un paysage extérieur à aménager mais qu'il est aussi nous-mêmes, intérieur à chacune et chacun d'entre nous.
Par conséquent, la nécessaire volonté de rupture avec le système ne peut pas ne pas concerner aussi les liens qui nous attachent consubstantiellement à lui et qui sont d'autant plus solides qu'ils sont moins visibles.» (10) 

On demande action éclairée
 
Comment sortir de cette impasse?
Par un double effort...
. Effort de lucidité tout d'abord.
«Une des conditions principales de l'efficacité du système capitaliste, c'est que son fonctionnement reste, sinon dans une obscurité totale, du moins dans une pénombre propice à toutes les confusions.
Il faut donc faire la clarté.» (11) 
. Effort d'un travail sur soi-même ensuite.
«Bien entendu, il ne suffit pas d'avoir des idées claires et distinctes et de porter un regard lucide sur la réalité pour qu'elle se transforme. (...)
Il faut aussi que nous éprouvions un réel désir de changer les choses et donc que nos aspirations spirituelles l'emportent sur nos intérêts matériels et mondains.» (12) 

Recoller les morceaux 

Et les courants de pensée et modes de vie émergents?
Peuvent-ils nous aider dans cette entreprise?
«Les forces sociales existent, mais pour le moment à l'état dispersé, désorganisé, désemparé, (...) livrées qu'elles sont aux manoeuvres démagogiques de la droite extrême comme de la gauche minable.» (13)
Difficile, dans ces conditions, de se mettre d'accord sur des objectifs, sur des propositions et sur des stratégies...
«Raison supplémentaire d'unir et organiser nos forces dans le cadre d'un projet cohérent et rigoureux porté par un courant révolutionnaire (14) digne de ce nom et pas seulement par une inoffensive association de mécontents, ou par un petit cercle de théoriciens réfléchissant hors-sol.» (15)(16)


Christophe Engels 
(d'après Alain Accardo)


(1) Le Français Alain Accardo est sociologue. Professeur honoraire à l'Université Bordeaux III, il travaille à fournir des présentations pédagogiques du travail de Pierre Bourdieu, notamment dans Initiation à la sociologie de l'illusionnisme social: invitation à la lecture des œuvres de Pierre Bourdieu, en 1983, et La sociologie de Bourdieu-Textes choisis et commentés, en collaboration avec Philippe Corcuff en 1986. Il anime le travail d'un groupe de journalistes proposant une auto-analyse critique du journalisme, avec notamment Journalistes au quotidien, pour une socioanalyse des pratiques journalistiques. Chroniqueur dans le mensuel La Décroissance, il est aussi l'auteur de plusieurs livres, dont Introduction à une sociologie critique (2006), Le Petit-Bourgeois gentilhomme (2009), Engagements (2011) et De notre servitude involontaire (2013).
(2) Accardo Alain, De notre servitude involontaire, Agone, coll. Eléments, Marseille, 2013, p.12.
(3) Accardo Alain, idem, pp.17-18
(4) Accardo Alain, idem, p.29.
(5) Sentiments d'obligation, de devoir et autres.
(6) Accardo Alain, ibidem, p.33.
(7) Accardo Alain, ibidem, pp.76-77.
(8) Accardo Alain, ibidem, p.107.
(9) Accardo Alain, ibidem, p.107.
(10) Accardo Alain, ibidem, p.125-126.
(11) Accardo Alain, ibidem, p.121.
(12) Accardo Alain, ibidem, pp.126-127.
(13) Accardo Alain, ibidem, p.137.
(14) Le qualificatif «révolutionnaire» nous semblant porteur d'ambiguïtés (notamment par la porte grande ouverte qu'il laisse à la violence), nous préférons pour notre part faire l'impasse sur cet adjectif pour recourir à des expressions comme:
. «émergent»,
. «créa... cteur de changement radical», 
. ou alors (avec Christian Arnsperger et consorts) «de transition»,
. voire (avec Edgar Morin) «porteur de métamorphose». 
(15) Accardo Alain, ibidem, p.152.
(16) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):  
. la suite d'une série de messages consacrés à l'immigration,
. des analyses sur la social-démocratie et l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel, ont d'ores et déjà été abordés).


mardi 30 décembre 2014

Pablo Iglesias (Podemos): leçon de stratégie politique à l'usage de ceux qui veulent changer le monde




Parti espagnol issu du mouvement des Indignés
Podemos a trouvé son meneur. 
Il s'appelle Pablo Iglesias (1).
Est devenu en quelques mois 
le porte-voix de tous ceux qui se sentent 
frappés par la crise 
et abandonnés par les pouvoirs publics.
A réussi, en moins d'un an, à faire de sa formation 
la deuxième force politique du pays (2). 
Et y va de sa petite leçon de stratégie politique 
à l'usage de ceux qui veulent changer le monde... 


«Il ne m'a pas échappé que la clé pour comprendre l'histoire de ces cinq derniers siècles, c'est l'émergence de catégories sociales spécifiques, que l'on appelle "classes". 
Je le sais, bien sûr.
Mais laissez-moi vous raconter une petite histoire...
Quand le mouvement des Indignés a pris son envol sur la Puerta del Sol, des étudiants de ma faculté -la fac' de sciences politiques de l'Université Complutense de Madrid-, des étudiants très politisés qui avaient lu Karl Marx et Lénine, se sont confrontés pour la première fois de leur vie à des gens... normaux!
Ils étaient désespérés.
Ils se plaignaient de ne pas être compris...
"On leur dit qu'ils font partie de la classe ouvrière, même s'ils ne le savent pas!", m'expliquaient-ils.
Les gens les regardaient comme s'ils venaient d'une autre planète. 
Et les étudiants rentraient chez eux dépités, en se lamentant...
"Ils ne comprennent vraiment rien à rien".

Le problème vient de vous

Moi, j'ai envie de leur répondre ceci...
Ne voyez-vous pas que le problème vient de vous? 
Que la politique n'a rien à voir avec le fait d'avoir raison?
Qu'elle n'a qu'un but: rencontrer le succès?
Vous pouvez vous fendre de la meilleure analyse du monde, comprendre les processus politiques qui se sont déroulés depuis le seizième siècle, savoir que le matérialisme historique est la clé de la compréhension des mécanismes sociaux...
Et alors?
Qu'allez-vous faire par rapport aux gens?
Allez-vous leur hurler: "Vous faites partie de la classe ouvrière, et vous n'êtes même pas au courant!"? 

Avoir raison ne suffit pas

L'ennemi ne demande qu'à se moquer de vous. 
Vous pouvez porter un tee-shirt avec une faucille et un marteau. 
Vous pouvez même hisser un très, très long drapeau, puis rentrer chez vous avec lui.
L'ennemi n'en continue pas moins de se rire de vous. 
Car les gens en général, et les travailleurs en particulier, ont tendance à croire l'ennemi. 
Ils lui accordent leur préférence par rapport à vous. 
Ils croient à ce qu'il dit. 
Ils le comprennent quand il parle. 
Alors qu'ils ne vous comprennent pas, vous!
Et le fait que vous ayez raison ne change rien à l'affaire! 
Il ne vous  restera alors qu'a demander à vos enfants d'écrire ceci sur votre tombe: "Il a toujours eu raison... mais personne ne le sut jamais"...

Adapter votre message

En étudiant les mouvements de transformation qui ont réussi par le passé, on se rend compte que la clé du succès, c'est la manière dont vous parvenez à adapter votre analyse au ressenti de la majorité. 
Et c'est très difficile. 
Car il s'agit de dépasser les contradictions.
Croyez-vous que j'ai un problème idéologique avec l'organisation d'une grève spontanée de 48 ou même de 72 heures? 
Pas le moins du monde! 
Mais le fait de partir en grève n'a rien à voir avec la force de notre volonté en la matière. 
Et, en revanche, tout à voir avec la puissance syndicale.
Un facteur auquel je soupçonne que vous comme moi sommes complètement étrangers.

Vous et moi, nous pouvons souhaiter que la terre soit un paradis pour l'humanité. 
Nous pouvons désirer tout ce que nous voulons et l'imprimer sur des tee-shirts. 
Mais la politique est un rapport de force.
Pas du tout le résultat des incantations ou des belles paroles martelées dans des assemblées générales. 

Dans ce pays, il n'y a que deux syndicats qui ont le pouvoir d'organiser une grève générale: le C.C.O.O. et l'U.G.T. 
Cette idée me comble-t-elle d'aise?
Non. 
Mais les choses sont ce qu'elles sont.
Et organiser une grève générale, c'est difficile.

J'ai participé à des piquets de grève devant des arrêts d'autobus à Madrid. 
Les gens qui passaient là-bas, à l'aube, vous savez où ils allaient? 
Au boulot.
Ce n'étaient pas des briseurs de grève.
Mais, le cas échéant, ils se seraient fait virer.
Parce qu'à leur travail, il n'y avait pas de syndicat pour les défendre.

Et parce que les travailleurs qui peuvent se défendre, ce sont ceux qui sont protégés par des syndicats puissants. 
Ce sont ceux qui prestent pour des chantiers navals ou dans les mines. 
Ce ne sont ni les jeunes qui gagnent leur vie dans un centre d'appel ou comme livreurs de pizzas ni les femmes qui exercent leur activité professionnelle dans un magasin.
Qui, eux, n'ont pas les mêmes latitudes.
Et qui se feront licencier dès la grève terminée.
Quand ni vous ni moi ne serons là.
Ces jeunes, ces femmes..., aucun syndicat ne pourra jamais leur garantir qu'il pourra parler en tête-à-tête avec leur patron pour lui dire "V
ous n'avez vraiment pas intérêt à virer cet employé qui n'a fait qu'exercer son droit de grève, parce que, si vous le faites, nous vous le ferons payer au prix fort."
Il ne faut pas rêver, quel que soit notre enthousiasme.
La politique, ce n'est pas ce que vous ou moi voudrions qu'elle soit. 
C'est quelque chose de terrible. 
Terrible. 
Voilà pourquoi nous devons viser à l'unité populaire.
Et faire preuve d'humilité.


Nous faisons fausse route depuis des années

Parfois, il faut parler à des gens qui n'aiment pas notre façon de parler et chez qui les concepts auxquels nous recourons habituellement n'évoquent rien. 
Ce que cela nous apprend? 
Que nous faisons fausse route depuis des années. 
Que le "sens commun" des gens est fort différent de ce que nous pensons. 
Et qu'ils ne se retrouvent pas dans les messages que nous essayons de faire passer. 
Rien de très nouveau dans ce constat!
Connu depuis longtemps des révolutionnaires. 
La clé, c'est de réussir à diriger ce "sens commun".
De l'orienter vers le changement.

Un gars très intelligent, César Rendueles (3), dit qu'autant la plupart des gens sont opposés au capitalisme, autant... ils ne le savent pas! 

Plus de potentiel de transformation sociale 
chez un papa qui fait la vaisselle 
que dans tous les drapeaux rouges

Regardez les féministes...: même s'ils sont majoritaires, la plupart d'entre eux n'ont lu ni Judith Butler ni Simone de Beauvoir.  
Il y a plus de potentiel de transformation sociale chez un papa qui fait la vaisselle ou qui joue avec sa fille et chez un grand-père qui explique à son petit-fils qu'il faut partager les jouets que dans tous les drapeaux rouges qui sont brandis  à une manif'.
Et si nous ne parvenons pas à comprendre que tout doit faire farine au moulin du trait d'union, l'ennemi continuera à se moquer de nous.
C'est ainsi qu'il nous... aime: petits, parlant une langue que personne ne comprend, minoritaires, cachés derrière nos symboles désuets...
Il rit sous cape, l'ennemi, car il sait qu'aussi longtemps que nous nous montrerons de la sorte, nous ne représenterons pas le moindre danger.
Nous pouvons tenir un discours très radical, menacer de faire une grève générale spontanée, parler de prendre les armes, brandir des symboles, tenir bien haut les portraits de grands révolutionnaires...: nos manifestations n'en finissent pas de les faire rire!
Ils se moquent de nous! 
Mais commençons à rassembler des centaines, des milliers de personnes et à convaincre au sein de la majorité, y compris donc parmi ceux qui ont voté pour l'ennemi auparavant, et là, la peur les envahira.

Matérialisme dialectique vs pain et paix: 
un combat inégal

Voilà ce qu'on appelle la politique. 
C'est ce que nous devons apprendre.
Il y avait un gars qui parlait de Soviets en 1905. 
Il y avait ce chauve, là...
Un génie.
Son analyse concrète de la situation a débouché sur une vraie compréhension des événements. 
Vous savez, c'était en temps de guerre, en 1917, en Russie, quand le régime s'effondra...
Il a dit une chose très simple aux Russes, qu'ils soient soldats, paysans ou travailleurs. 

Il leur a dit "pain et paix".
Et quand il a prononcé ces mots qui évoquaient ce que tout le monde voulait (la fin de la guerre et de quoi manger), de nombreux Russes, qui ne savaient plus s'ils étaient "de gauche" ou "de droite" mais qui savaient qu'ils avaient faim, se sont écriés: "le chauve a raison". 
Le chauve avait tout compris. 
Il n'avait pas parlé au peuple de "matérialisme dialectique" mais de pain et de paix!  

Aujourd'hui est un autre jour 

L'une des principales leçons du XXème siècle, c'est... qu'il est ridicule de vouloir transformer la société en imitant l'Histoire et les symboles!
Les expériences d'autres pays, les événements qui appartiennent à l'Histoire ne se répètent pas. 
La clé, c'est d'analyser les processus, de tirer les leçons de cette Histoire. 
Et de comprendre qu'à chaque moment de celle-ci, si le "pain et paix" que l'on prononce n'entre pas en résonance avec les sentiments et les pensées des gens, on ne fera que répéter, comme une farce, une victoire qui, dans le passé, s'avéra tragique sur bon nombre de points.» (4)(5)

Pablo Iglesias


(1) Pablo Iglesias est madrilène et professeur de sciences politiques.
(2) Les sondages la donne même en tête des intentions de vote pour les prochaines élections générales.
(3) Socilogue et essayiste espagnol.
(4) Ce message traduit de l'espagnol la contribution originale de Pablo Iglesias. Le chapeau et les intertitres sont de la rédaction.
(5) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. des voeux de nouvel an;
. la suite d'une série de messages consacrés à l'immigration;
. des analyses sur la social-démocratie et l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel, ont d'ores et déjà été abordés).

 

mercredi 24 décembre 2014

Joyeux Noël à tous! Vraiment tous...






«Vous vous imaginez peut-être  
que j'ai fait tous ces kilomètres 
tout cet espoir, tout ce courage,
pour m'arrêter contre un grillage...» 
Dans la bouche de son migrant, 
Francis Cabrel  met des mots qui percutent.
L'occasion de nous souvenir que Noël,
ce n'est pas qu'une opportunité de faire la fête. 
C'est aussi une commémoration religieuse.
C'est, à tout le moins, le moment 
de vous présenter des voeux chaleureux.
Ce devrait même être une célébration de l'humain.
Dans l'acception la plus noble du terme.
Avec, pour une fois, une prime au plus défavorisé.
Dont l'«arrivant».
Que la si jolie chanson African Tour
fait s'exprimer de la sorte...
«Si on me dit "c'est chacun chez soi",
moi je veux bien,
sauf que chez moi, y'a rien.»
Chacun chez soi, 
chacun pour soi...:
dur, dur, d'être...
à l'aube de temps nouveaux!














«Déjà nos villages s'éloignent.
Quelques fantômes m'accompagnent.
Y'aura des déserts, des montagnes
A traverser jusqu'à l'Espagne.
Et après..., Inch'allah.

On a de mauvaises chaussures,
L'argent cousu dans nos doublures.
Les passeurs doivent nous attendre.
Le peu qu'on a, ils vont le prendre.
Et après...
Est-ce que l'Europe 

   est bien gardée?
Je n'en sais rien.
Est-ce que les douaniers sont armés?
On verra bien.
Si on me dit "
c'est chacun chez soi",
Moi je veux bien, sauf que chez moi,
Sauf que chez moi, y'a rien.
Pas de salon, pas de cuisine.
Les enfants mâchent des racines.
Tout juste un carré de poussière,
Un matelas jeté par terre.
Au dessus... Inch'allah.
Vous vous imaginez peut-être
Que j'ai fait tous ces kilomètres,
Tout cet espoir,

   tout ce courage,
Pour m'arrêter 

   contre un grillage...
Est-ce que l'Europe 

est bien gardée?
Je n'en sais rien.
Est-ce que les douaniers 

   vont tirer?
On verra bien.
Si on me dit

   "c'est chacun chez soi",
Moi je veux bien, 

   sauf que chez moi,
Sauf que chez moi, y'a rien.
Je n'en sais rien.
On verra bien.
Moi, je veux bien,
Sauf que chez moi...
La moitié 

   d'un échafaudage,
J'en demande 

   pas davantage.
Un rien, une parole, 

   un geste,
Donnez-moi tout 

   ce qu'il vous reste.
Et après...
Je n'en sais rien.
On verra bien.
Moi, je veux bien,
Sauf que chez moi...
Déjà nos villages s’éloignent...
» (1)

 
Francis Cabrel,  
(extrait de l'album  
Des roses et des orties, 2008)

(1) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute): 
. des voeux de nouvel an,
. la suite d'une série de messages consacrés à l'immigration,
. des analyses sur la social-démocratie et l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel, ont d'ores et déjà été abordés)