samedi 22 février 2014

Moins extrémiste que jamais, toujours plus radical. Projet relationnel: l'émergence, quatre à quatre...



Quelques illusions en moins,
quelques désillusions en plus,
des moyens financiers
aussi inexistants que jamais,
un nombre de visiteur
multiplié par treize.... 
Quatre ans plus tard,
Projet relationnel 
reste fidèle au poste. 
Moins extrémiste que jamais. 
Et toujours plus radical.


L'un des dangers liés à la militance, c'est l'extrémisme.
Soit une posture qui, selon le philosophe français Jean-Claude Michéa, «renvoie essentiellement à cette configuration psychologique bien connue (...) qui oblige un sujet -afin de maintenir désespérément une image positive de lui-même- à dépasser sans cesse les limites existantes» (1). 
Or, ce que requiert notre époque, ce n'est certainement pas ce type de processus.
C'est quelque chose de bien plus profond. 
A savoir la radicalité. 

Etre radical, ce n'est pas...

Etre radical, ce n'est pas, bien sûr, être radicaliste.
Mais ce n'est pas non plus être extrémiste.
Ce n'est donc pas s'accommoder de l'option consistant à faire plus de quelque chose qui ne convient pas (extrémisme de la fuite en avant).
Ce n'est pas non plus en rester au choix facile d'un refus aussi drastique que mal ciblé (extrémisme de la résistance).
Ce n'est pas davantage se satisfaire de flinguer à tout-va -en épargnant systématiquement ma propre personne et mes alliés,  évidemment (extrémisme de la dénonciation).
Ce n'est pas même se contenter de faire le contraire de ce qui existe (extrémisme de l'opposition). 
S'agit-il alors, pour mieux taper sur le clou, de réduire un phénomène complexe à l'une ou l'autre de ses multiples explications, avérées ou supposées?  
De recourir, fût-ce habilement, aux leurres de la distorsion cognitive?
D'imposer ou de tirer parti d'un rapport de force favorable?
Non, non et non...

Etre radical, c'est...

La radicalité, dixit Michéa, renvoie à «toute critique qui s'avère capable d'identifier un mal à sa racine et qui est donc en mesure de proposer un traitement approprié.» (1). 
L'engagement radical ne se conçoit donc pas sans volonté résolue de prendre les choses à la racine afin de se donner les moyens d'agir sur les causes profondes des phénomènes et des structures que l'on envisage de ou que l'on cherche à modifier. 
Et dans la mesure où l'enracinement en question laisse systématiquement apparaître une configuration en rhizome, il appelle aussi la nécessité de faire un sort à la facilité des explications mono-causales.
Histoire d'appréhender dans toute sa complexité l'une ou l'autre problématique de fond.
Par exemple celle des processus sociaux.
«Dans ce système, des causes, de différentes natures, se succèdent, s'enchevêtrent, s'alimentent, se renforcent, parfois se téléscopent» (2), insistent Cédric Biagini, Guillaume Carnini et Patrick Marcolini. 
Qui proposent, pour faciliter l'analyse de notre monde actuel, de le ramener à quatre dimensions: économique, technologique, politique et anthropologico-culturelle...

Réductionnisme du tout à l'éco

«Sur le plan économique, le système social est foncièrement capitaliste, précisent nos guides.
Il procède à la traduction intégrale de la réalité (...) dans le langage de la valeur et de l'argent. 
Son optique est celle de l'accumulation, de la reproduction élargie du capital par le biais d'une dynamique expansionniste qui s'observe aussi bien dans la mystique de la croissance que dans la pénétration des principes du marché au sein de toutes les activités, aussi banales soient-elles.» (3)
De là, ces perversions qui nous sont devenues si familières: écart grandissant des revenus, dépendance croissante des travailleurs par rapport aux employeurs, désagrégation des  solidarités...

Techno parade

Le travailleur moderne «se trouve en outre mis en demeure de placer toutes ses énergies dans son activité professionnelle, de s'y impliquer affectivement, jusqu'à ce que cet investissement compulsif déborde dans sa vie professionnelle -ce que permettent les nouvelles technologies qui abolissent de fait la distinction privé/public.» (4)

Politique: le mélange des genres  

Le système qui est à la racine des maux affectant les sociétés contemporaines possède une autre facette.
Qui est de nature politique
«Le narcissisme généralisé a eu pour conséquence un dépérissement du politique, insistent nos trois compères. 
Même les mouvements alternatifs qui ont surgi dans la dernière quinzaine d'années, de l'altermondialisme aux "Indignés", semblent avoir surtout accouché d'une "contestation amoureuse d'elle-même", plus soucieuse de poster sur des sites de partage les photos de ses manifestations et les vidéos de répression policière que d'énoncer clairement une critique exigeante et aboutie de la totalité sociale.» (5)
Cet effritement politique passerait aussi par la neutralisation des capacités d'action collective. 
«Nulle conspiration derrière tout cela: simplement la domination ordinaire et anonyme de cohortes d'administrateurs, d'experts, de spécialistes, d'analystes, de managers, de communicants, etc., tous préoccupés d'assurer la bonne marche du système sans se poser la question des fins qui sont poursuivies.» (6)
Et les auteurs, à ce stade, d'en revenir à une problématique déjà esquissée ci-avant.
Celle portant sur le périlleux mélange des genres auquel se risqueraient les sphères publiques et privées.
«D'une part, on assiste non plus seulement à l'accaparement des organes politiques par des castes aux intérêts particuliers (...), mais au désintérêt grandissant des personnes pour la prise en charge des affaires collectives -sans même parler d'une action plus radicale de transformation sociale en vue de répondre aux problèmes les plus graves, entreprise qui semble désormais irréaliste (...).
D'autre part, la sphère privée semble presque s'évanouir en tant que telle.» (7)
Et la vidéo-surveillance de s'infiltrer.
Et le traçage de s'insinuer.
Et le profilage de s'imposer.


Caisse de résonance anthropologique

L'économie, certes.
La technologie, bien sûr.
La politique, c'est vrai.
Cependant, tous ces phénomènes n'auraient pas atteint de telles proportions s'ils n'avaient pu tirer parti d'une fabuleuse caisse de résonance.
Celle de nos propres soubassements anthropologiques... 
«La réussite du capitalisme industriel n'aurait (...) pas été possible s'il n'avait été capable de secréter son propre modèle anthropologique -donc culturel- adapté à son déploiement, et qui se substitue progressivement à ceux qui l'ont précédé jusqu'ici: l'Homo oeconomicus, calculateur rationnel (ce qui ne signifie pas nécessairement avisé), toujours lancé à la poursuite de ses intérêts privés.» (8)
Bilan: la jachère d'un déracinement généralisé qui voit tout un chacun tenter, à sa manière, de bricoler ses propres attaches.
«Les uns reconstituent des formes de communauté rudimentaires autour d'une pratique sociale spécifique, festive, musicale ou sportive, susceptible d'alimenter en affects forts une existence par ailleurs dénuée de charme.
Ils forment ainsi l'une de ces "néotribus" dont sont si friands les sociologues postmodernes et les experts en marketing; mais ces agrégats ne font qu'entériner l'éclatement libéral de la société en groupes refermés sur leurs pratiques de consommation.
D'autres se livrent à la fabrication d'identités de synthèse, qu'elles soient nationales, politiques ou religieuses.» (9)

Combattre l'imposture extrémiste par la posture radicale

Pour honorer les exigences de la radicalité, la critique doit ainsi s'atteler à un travail de remise en cause à ce point approfondie qu'elle ne puisse exclure d'avoir à déboucher sur une véritable rupture.
Une mise à plat existentielle, donc, qui se doit de ne rien rejeter a priori, pas même l'hypothèse d'avoir, si nécessaire, à dépasser ce capitalisme du «toujours plus» dont tant de penseurs se contentent de prôner l'intensification.
«Il n'est finalement pas excessif de parler de "libéralisme libertaire" à propos de toutes ses pensées soi-disant critiques, qui "sont parvenues à faire admettre quasi unanimement leur méthode d'analyse à une très large partie de la gauche et de l'extrême gauche, sans que cette dernière s'aperçoive que cette méthode renforce un système d'exploitation que jusqu'alors elle prétendait combattre."» (10)  
Reste, le cas échéant, à oeuvrer à l'élaboration d'une alternative crédible et aboutie. 
Histoire d'en finir avec les artifices de l'extrémisme «gros bras» et avec la poudre aux yeux de la musculation velléitaire.
Soit un double leurre qui, à gauche comme à droite et chez les militants autant qu'ailleurs, ne sert à rien d'autre qu'à assouvir la soif d'ego de ceux qui veulent y croire. 
«On ne peut pas être neutre, estime ce sociologue français de l'Université Paris -Diderot (ParisVII) qu'est Gérard Bronner.
Ce serait naïf, l'objectivisme.
Mais on peut essayer de penser ses propres positions pour prendre un peu de distance avec elles.» (11)
Agir sans naïveté? 
Oui. 
Mais aussi sans cynisme, sans rage et sans comptes à régler.
Mais aussi sans obsessions, sans oeillères et sans aveuglement.
Mais aussi sans manipulation, sans malhonnêteté intellectuelle et sans mensonge.
Sans, donc, ce narcissisme si prompt, parfois, à se camoufler derrière l'alibi de la militance. (12)

Christophe Engels


(0) Radical, et non pas, évidemment, radicaliste.
(1) Michéa Jean-Claude, La double pensée,Flammarion, Paris, 2008, p.17
(2) Biagini Cédric, Carnini Guillaume et Marcolini Patrick, Radicalité. Vingt penseurs vraiment critiques, L'Echappée, Frankenstein, coll. Montreuil, 2013, p.8.
(3) Biagini Cédric, Carnini Guillaume et Marcolini Patrick, idem, p.8-9.
(4) Biagini Cédric, Carnini Guillaume et Marcolini Patrick, idem, p.10.
(5) Biagini Cédric, Carnini Guillaume et Marcolini Patrick, idem, p.14-15.
(6) Biagini Cédric, Carnini Guillaume et Marcolini Patrick, idem, p.15.
(7) Biagini Cédric, Carnini Guillaume et Marcolini Patrick, idem, p.14.
(8) Biagini Cédric, Carnini Guillaume et Marcolini Patrick, idem, p.12.
(9) Biagini Cédric, Carnini Guillaume et Marcolini Patrick, idem, p.13.
(10) Biagini Cédric, Carnini Guillaume et Marcolini Patrick, idem, p.17.
(11)  Bronner Gérard, Internet crée une illusion de majorité, Le Vif/L'Express, n°8, 21 février 2014, p.11.
(12) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute): la suite d'une série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de vie émergents.


4 commentaires:

  1. Elections municipales, Pacte de responsabilité du gouvernement, élections européennes, sommet social et conférence climatique en 2015... les échéances ne manquent dans les mois qui viennent. C'est pourquoi nous voulons clarifier notre stratégie afin de répondre à ces défis. Le bureau du Collectif y travaille activement sur la base des lignes directrices votées en Assemblée générale le 15 décembre...
    . Lancer une Initiative Citoyenne Européenne (ICE) sur le Partage du Temps de Travail (PTT).
    . Peser sur les négociations sociales en France en 2014.
    . Peser sur le sommet Climat en 2015.
    . Suivre l'agenda politique par le biais d'ateliers thématiques, tels que les ateliers "Banques et Finance" et "Europe".
    . Faire évoluer la structure du Collectif Roosevelt, par le biais d'une Assemblée Constituante Interne.

    Notre ambition est de préciser rapidement cette stratégie, pour la décliner en objectifs clairs et en actions concrètes afin d’accroître notre efficacité et d’augmenter notre visibilité dans chacun de ces axes. Ces derniers jours, l'Atelier Banque & Finance a ainsi réussi à peser dans le débat public sur la question des propositions de Michel Barnier concernant les restructurations des banques, et sur la Taxe sur les Transactions Financières (TTF). Nous souhaitons poursuivre dans cette voie pour continuer à défendre nos propositions sur nos différents axes de travail.

    Nous souhaitons également améliorer la communication au sein du collectif, et en particulier avec les groupes locaux qui constituent les cellules de base, les pièces maîtresses du Collectif Roosevelt, sans lesquelles rien ne se ferait. Nous ne pouvons que vous inviter à les rejoindre pour renforcer leur action de terrain.
    Yes we can !

    Bruno Lamour,
    Président du Collectif Roosevelt

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  2. Evénements à venir du Collectif Rossevelt


    1. Le 27 février : une veillée citoyenne pour rendre hommage à Stéphane Hessel

    Il y a un an, Stéphane HESSEL nous quittait. Son humanisme, son invitation à l’engagement, sa droiture, son courage resteront pour nous une source d’inspiration. Le jeudi 27 février, un an après sa mort, deux événements auront lieu pour lui rendre hommage. Une soirée aura lieu à l’Institut du Monde Arabe à 18h30 pour revenir sur la vie de ce grand homme, en présence d’ami-e-s de Stéphane. Nous serons également un hommage citoyen aura également lieu place de la Bastille à 20h. Rejoignez l’événement et diffusez le !


    2. Le 12 mars : Ciné-Débat avec le Réseau Revenu de Base

    Réduction du temps de travail, revenu de base, les objectifs sont proches : il s'agit de valider le cours historique de la diminution du temps de travail nécessaire pour satisfaire nos besoins, et de permettre de libérer du temps pour des activités plus autonomes et plus épanouissantes. Une soirée thématique pour présenter et discuter du revenu de base, le mercredi 12 mars à 18h45 à la Maison des Sciences Economiques. Pour en savoir plus et rejoindre l'événement.


    3. Un questionnaire pour les candidat-e-s aux élections municipales

    Différents groupes locaux ont élaboré des questionnaires pour interpeller les candidats de leur municipalité. Nous les avons compilé pour en faire un questionnaire accessible à tou-te-s, que vous pouvez télécharger en cliquant ici. Où que vous soyez en France, avec ou sans votre groupe local, vous pourrez faire connaître à vos candidat-e-s les propositions du Collectif Roosevelt applicables au niveau local : sur le thème de l’ESS, du logement, de l’énergie renouvelable, de la finance responsable, de la démocratie locale.

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  3. L'actualité du Collectif Roosevelt


    1. «Capitalisme, libéralisme: un état des lieux»: immense succès du débat à Lyon

    Le 5 février au théâtre de la Croix-Rousse, Pierre Larrouturou débattait avec Jean-Claude Volot, chef d’entreprise et vice-président démissionnaire du MEDEF et Joseph Vogl, philosophe et professeur allemand. Le théâtre était surbooké, et le débat fructueux. Au fil de la soirée, la discussion a montré que les deux intervenants rejoignaient le diagnostic de Pierre Larrouturou, sur les ravages du néolibéralisme, et sa responsabilité dans la casse sociale et l’explosion du chômage de masse.


    2. Le compte-rendu de la journée du 18 janvier à Toulouse

    Les Etats généraux du Pouvoir citoyen sont en marche au niveau local! “Au-delà de la variété des thématiques abordées par nos associations, de vraies convergences nous relient, un même espoir nous porte qu’il est possible de construire un monde meilleur autour des idées de coopération, de frugalité, de citoyenneté active… Satisfactions également d’avoir pu constituer des groupes de projets qui, au-delà de la rencontre, vont poursuivre la mise en place d’actions concrètes.”

    ./...

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  4. ./...

    3. Le groupe Banques mobilisé pour la réforme bancaire européenne

    Le groupe banques a d'une part publié la position du Collectif concernant la proposition de Michel Barnier, commissaire européen. Il y salue d’une part l’ambition du texte, mais déplore ses faiblesses.

    A la suite de la réaction du gouverneur de la Banque de France, qui a jugé le texte européen "irresponsable," le groupe a ensuite co-signé une lettre ouverte avec plusieurs experts de la finance. “Le présent gouverneur s’est déjà permis de critiquer la taxe sur les transactions financières, promue par la France et 10 autres pays européens. Ne vous semble-t-il pas que cette nouvelle critique renforce le risque que le gouverneur et son institution apparaissent comme le porte-parole de grandes banques dont il reprend sans nuances les arguments, alors qu’il préside l’Autorité qui les supervise.”


    4. Le 1er février: une ébullition citoyenne pour la transition!

    Samedi 1er février, avait lieu la journée de mobilisation du Collectif pour une Transition Citoyenne. Au total, 85 événements sur 60 départements ont été comptabilisés, réunissant des milliers de personnes aux quatre coins de l’Hexagone, pour interpeller les candidats aux élections municipales. Vous pouvez voir la liste de tous les événements ici.
    Nous étions par ailleurs présent-e-s à l’événement de lancement le matin sur le parvis de l’Hôtel de Ville, où nous avons été rejoints par plusieurs candidats à la mairie de Paris : Danielle Simonnet (Front de Gauche), Christophe Najdovski (EELV), et Christian Saint-Etienne (UDI). La prochaine journée de mobilisation est déjà fixée: rendez-vous le 27 septembre!


    5. Conférence à la Sorbonne, “Europe: la responsabilité du politique face à l'emploi”

    S'est tenue mardi 11 février à la Sorbonne la première conférence du Collectif Roosevelt Sorbonne: "La responsabilité du politique face à l'emploi", avec pour intervenants Anne Houtman, chef de la représentation de la Commission Européenne à Paris, Antonin Cohen, professeur agrégé des universités à l'Université de Rennes I, Dany Lang, maître de conférences en économique à l'Université de Paris XIII et Fabien Cazenave, blogueur européen.
    "Les intervenants ont su finement nous éclairer sur la manière dont peuvent s'élaborer des politiques publiques, en l'occurrence dans le champ de l'emploi en Europe, les obstacles auxquels elles peuvent faire face mais aussi les marges de manoeuvre dont disposent les acteurs politiques pour les mettre en oeuvre."


    6. Soirée Finance solidaire

    Mercredi 12 février au soir, malgré la tempête, des militant-e-s du Collectifs Roosevelt se sont réunis à l'AGECA à Paris 11e afin de s'informer sur la finance solidaire. Geneviève GUENARD, directrice administrative et financière du CCFD-Terre solidaire, a rappelé comment ce concept de finance solidaire a pris naissance il y a 30 ans et montré l'actualité qu'il conserve aujourd'hui. Puis Eric LARPIN, journaliste et observateur privilégié de l'économie solidaire et sociale, auteur de L'épargne solidaire pour les nuls, a présenté les différents canaux et outils qui permettent à l'épargnant de privilégier une approche solidaire de son argent.

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