vendredi 29 août 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (51) Stop ou encore ?


 
















La crise enferme, certes.
Mais elle libère, aussi.
Car autant elle prive de ressources,
autant elle contribue à ouvrir les esprits
Donc à faire jaillir les idées nouvelles.
C'est dire si, plus que jamais, 
les courants de pensée et modes de vie émergents
se retrouvent à la croisée des chemins.
Sans doute ont-ils déjà commencé
à élever significativement les niveaux conscience.
Reste à réussir dans une entreprise 
encore (beaucoup) plus ambitieuse:
celle de la convergence.


«Imagine qu'il n'existe
aucun paradis
- c'est facile, 
il suffit d'essayer-,
aucun enfer 
en-dessous de nous
et, au dessus de nous, 
seulement le ciel.

Imagine 
 que chacun d'entre nous
se mette à vivre 
pour aujourd'hui...

Imagine qu'il n'existe pas 
le moindre pays
- ce n'est pas si difficile à faire-,
pas la moindre cause pour laquelle tuer ou mourir,
pas même la moindre religion.

Imagine 
que chacun d'entre nous
se mette à vivre en paix...
 
Tu peux m'accuser d'être un doux rêveur, 
mais je ne suis pas le seul.
J'ai l'espoir 
qu'un jour, tu nous rejoindras
et que le monde vivra uni.

Imagine l'absence 
de possession
- je me demande 
si tu en es capable-,
la disparition du besoin 
de convoiter ou d'affamer,
l'avènement
d'une fraternité humaine.

Imagine 
que chacun d'entre nous
se mette à tout partager,
partout dans le monde...
 
Tu peux m'accuser 
d'être un doux rêveur, 
mais je ne suis pas le seul.
J'ai l'espoir 
qu'un jour, tu nous rejoindras, 
et que le monde vivra uni.»

(Lennon John, Imagine)



La conjoncture incite pour le moins à la morosité.
Pire: à la franche inquiétude. 
A tel point qu'il devient de moins en moins hardi de se demander si, au-delà de la crise économique, il ne convient pas de parler de crise de civilisation.
Peu importe ici.
Contentons-nous d'avancer l'idée qu'un tel contexte peut influer de deux manières sur l'évolution des courants de pensée et modes de vie émergents
C'est que, d'un côté, la crise tend à «enfermer», dans la mesure où elle prive de ressources.
Tandis que, de l'autre, elle laisse entrevoir une propension à «libérer», au sens où elle ouvre les esprits à des solutions nouvelles. 

Le moment ou jamais? 

Entre ces deux options, le coeur de Matthieu Ricard ne balance pas.
«La crise actuelle me semble être un moment précieux pour remettre en question notre train de vie, affirme résolument le moine bouddhiste français.
Jusqu'alors on ne s'interrogeait pas du tout sur ce superflu qui nous entourait.» (1)
Innovation: différents types de questionnement sont de mise, désormais.
Celui des
«simplicitaires», par exemple.
«La simplicité volontaire, ou sobriété heureuse, ce n'est pas se priver de ce qui est nécessaire pour vivre et de ce qui nous apporte un bonheur véritable -ce serait absurde-, mais se débarrasser du superflu, et ainsi renoncer aux causes de la souffrance.» (2)
Y renoncer.
Ou plutôt, donc, s'en libérer.
Car «L'oiseau ne "renonce" pas à sa cage, il s'en libère.» (3)

Mouvement de libération... occidental

Un tel «mouvement de libération» (!) se généralisera-t-il?
L'avenir le dira.
Mais, le cas échéant, il devrait prendre une double forme.
. Il passera, tout d'abord, par une élévation de conscience.
«Quand quelqu'un gravit une montagne, cela lui demande un effort, ses jambes fatiguent, mais le paysage s'élargit, devient de plus en plus intelligible, élucubre joliment le «paysan-philosophe» d'origine algérienne Pierre Rabhi. (...)
En élevant notre conscience, on peut voir la relation entre les éléments constitutifs d'une réalité plus large qui ne comporte aucune division.» (4)
. Le mouvement en question se fera également par la culture
Celle-là même à laquelle le sociologue américain James Jasper donne un rôle central quand il la définit comme une «toile de significations» (5) dont les fils renverraient à des idées, traditions, principes moraux, métaphores et autres croyances confuses.
Cocon de sens enveloppant individus et groupes, la culture modèlerait l'action collective et contribuerait à fixer des identités.
Sans, donc, se confondre avec les cadres, «efforts conscients de groupes ou de recruteurs pour adapter leur rhétorique et leurs dossiers de telle sorte qu'ils soient attractifs pour des recrues potentielles.» (5)

Incarner l'utopie

Le changement authentique, écrivions-nous précédemment, ne va pas sans un double questionnement radical, sur soi-même d'une part, sur la société d'autre part.
Encore convient-il de ne pas s'arrêter en si bon chemin.
Encore convient-il de passer à l'action.
Encore convient-il d'incarner l'utopie.
«L'alternative est là, reprend Rabhi.
Soit on reste dans le conformisme du "on ne peut rien changer", soit on le transgresse pour aller vers le changement.» (6) 
Un changement qu'il reste à construire.
Qui plus est en commun.  
Ce qui suppose de convaincre.
Donc, au préalable, de travailler sur les représentations pour donner au mécontentement un langage.
«Ce recours au langage comporte une dimension cognitive en apportant les mots, les classements, les explications qui ordonnent le monde, analyse le sociologue français Erik Neveu. (...)
En désignant des causes et des responsables, la dimension symbolique est aussi normative. 
Elle dit le bien et le mal, le nous et le eux et comporte aussi par là une composante identitaire. 
Enfin, en rendant possible la formulation des griefs et des demandes, elle ouvre un registre expressif.» (7)

Mobilisation générale!

Convaincre, donc, pour mobiliser.
Et, de là, pour converger.
Un ultime mais essentiel défi qui, à ce stade en tout cas, n'est pas près d'être gagné. (8)

Christophe Engels


(1) Ricard Matthieu, Demain, un monde d'altruistes, in Se changer, changer le monde, L'iconoclaste, Paris, 2014, pp.127-128.
(2) Ricard Matthieu, idem, pp.127-128.
(3) Ricard Matthieu, idem, p.128. 
(4) Rabhi Pierre, Ensemble, faire germer le changement, in Se changer, changer le monde, L'iconoclaste, Paris, 2014, pp.160-161.
(5) Jasper Karl, The Art of Moral Protest: Culture, Biography and Creativity in Social Movements, Chicago University Press, Chicago, 1997.
(6) Rabhi Pierre, ibidem, p.169.
(7) Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, La Découverte, coll. Repères, Paris, 1996-2011, pp.99-100.
(8) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. le cinq centième message de Projet relationnel,
. des analyses sur l'immigration, puis sur la social-démocratie et l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel, ont d'ores et déjà été abordés). 

lundi 25 août 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (50) Le changement, est-ce maintenant?...




















Le changement, est-ce maintenant?
Une question existentielle.
A laquelle la société civile
semble ne plus 
attendre aucune réponse 
de la part de la classe politique.
D'où son ambition de remédier
par elle-même aux manquements 
de ses représentants.
Objectif démesuré?
Seul l'avenir le dira.
Reste que, désormais,  
Ni de céder au chant des sirènes
de combats velléitaires 
et/ou perdus d'avance. 
L'avenir passera 
par des outils 
et des modèles de rechange 
qui soient à la fois convaincants,
performants et susceptibles 
de susciter la convergence.
Un objectif qui ne fera pas l'économie 
d'un double travail de réflexion.
Sur la société, bien sûr.
Mais aussi sur soi-même...


 
«Je pense que la société civile est un vaste champ d'expérimentations d'intérêt général, là où le politique s'obstine à maintenir à tout prix l'ancien modèle.» (1) 
Le «paysan-philosophe» d'origine algérienne Pierre Rabhi ne tourne pas autour du pot.
Et pèche peut-être par un double excès...
. Excès d'optimisme à l'égard des uns.
. Excès de pessimisme envers les autres.
N'empêche: ces propos interpellent.
Notamment parce qu'ils intègrent l'idée, trop souvent sous-estimée, que le changement germe à l'intérieur même de bon nombre d'entre nous, simples citoyens.
«Partout, des femmes et des hommes se lèvent, mettent sur pied des initiatives, modifient leurs habitudes, viennent en aide aux autres, se questionnent, se mobilisent, et, ainsi, transforment la société, constatent la politologue belge Caroline Lesire et son compatriote psychologue Ilios Kotsou. 
Alors, bien sûr, nous manquons parfois d'outils, de modèles et même d'espoir, mais en prenant confiance et conscience, nous pouvons espérer atteindre la masse critique qui fera basculer la société vers un autre équilibre.» (2)
Reste qu'il ne suffit ni de s'indigner ni de se laisser tenter par les sirènes d'un combat velléitaire.
D'où la nécessité, avant d'agir, de s'interroger.
Qui plus est en profondeur.
Car le changement authentique ne va pas sans un double questionnement radical.
. Sur soi-même d'une part.
. Sur la société d'autre part.

S'interroger sur soi-même

«Il se passe des choses intéressantes dans la tête des gens qui protestent» (3), écrit le sociologue américain James Jasper.
Relayé par son confrère français Erik Neveu.
«L'heure est à un relatif consensus sur l'importance de procéder à ce que Bourdieu tenait pour une opération clé du travail sociologique: réintroduire dans son objet les dimensions subjectives qui avaient dû être écartées dans le moment de l'objectivation.» (4)
Et le professeur de sciences politiques de Sciences Po Rennes d'ajouter...
«Participer à une action collective ne se réduit ni à la revendication intéressée ni à une vision d'une société juste.
C'est aussi s'interroger sur sa propre vie, faire jouer l'engagement comme travail sur soi-même ou style de vie, se confronter à des enjeux moraux, exprimer une créativité inexploitée.» (5)
Le psychiatre hexagonal Christophe André est bien d'accord.
Mais il va plus loin.
Pour lui, il est fondamental de s'occuper de soi-même...
«Non par nombrilisme ou par égoïsme, précise-t-il
Mais pour protéger et restaurer ce qui fait notre humanité: notre intériorité.» (6)
Or, cette intériorité est menacée par une certaine modernité.
Celle qui, loin de libérer des contraintes du passé, tend à enfermer dans l'une ou l'autre forme d'«aliénation».
«L'aliénation tire ses racines du latin "alienus", qui signifie "autre", "étranger", rappellent Rabhi, Lesire et Kotsou, rejoints par le moine bouddhiste français Matthieu Ricard.
Elle désigne ce processus de dépossession de l'individu et la perte de maîtrise de ses forces propres (par le conditionnement social, la publicité, la désinformation).
Influencés par ce contre quoi nous luttons, nous devenons déterminés par l'objet de cette lutte.
Dès lors, nous risquons de nous comporter de manière injuste contre l'injustice, violente au nom de la paix, barbare au nom des droits de l'homme.» (7)

S'interroger sur la société

Si nous sommes «aliénés», a qui la faute?
A... bibi (!), sans aucun doute. 
Mais pas seulement... 
«Le système dans lequel nous vivons nous a menés très loin dans l'aliénation, reprennent les membres de notre quatuor. 
Nous vivons comme si nous étions séparés les uns des autres et séparés de la nature.
En entretenant des systèmes économiques et sociaux individualistes et injustes, nous mettons en péril la société dont nous faisons partie.» (8)
Sus, donc, aux excès de l'individualisme égoïste et égocentriste.
Mais aussi haro sur une autre outrance: celle d'un certain matérialisme.
«Plus une société ou un individu sont matérialistes, plus ils s'éloignent du bonheur, reprend André.
Attention, en psychologie, le mot "matérialisme" n'a pas le même sens que chez les philosophes: il s'agit d'une démarche qui nous conduit à privilégier des valeurs matérielles comme l'argent, le statut social ou la possession, au détriment d'engagements plus immatériels, comme le partage, la spiritualité, l'équilibre intérieur, etc.
Il existe une multitude de travaux scientifiques qui montrent que le matérialisme entraîne de la souffrance, contrairement à ce qu'essaie de nous faire croire une société qui nous incite à consommer pour être heureux.
Car si les publicités sont efficaces, c'est parce qu'elles nous vendent des promesses de mieux-être, et non des canapés, des voitures ou des vêtements.
Or, nous savons désormais avec certitude que ces achats n'entraînent une amélioration du bien-être que transitoire, du fait de l'habituation hédonique.
Qu'est-ce que l'habituation hédonique?
C'est cette capacité que nous avons à oublier de nous réjouir d'une source de bonheur si elle est là tous les jours.» (9)
Ainsi, pour le médecin-psychiatre de l'Hôpital Sainte-Anne, à Paris, notre monde serait«pollué», et même «contaminé», par les valeurs matérialistes.
Un phénomène qui serait à hisser au rang de difficulté majeure de notre temps... 
«C'est un vrai problème parce qu'une culture, une civilisation ne se réduisent pas aux objets qu'elles produisent, elles existent aussi à travers les valeurs qu'elles promeuvent et qui sous-tendent le fonctionnement de la société. 
Or, ces valeurs sont de plus en plus contaminées ou remplacées par des notions extrêmement matérialistes comme le statut social, l'argent, l'apparence, la dominance, la performance, la valeur économique des personnes, le coût social, etc(10)
Circonstance aggravante: l'aliénation en question se serait insinuée au plus profond de nous-mêmes. 
Et n'en rendrait donc que d'autant plus ardu l’accès à une pensée authentique...
«Il ne suffit pas de croire que nous avons notre autonomie et notre liberté vis-à-vis de ces dérives, nous devons bien comprendre qu'elles imprègnent notre esprit aussi sûrement que la pollution de l'air, de l'eau ou des aliments pénètre dans notre corps.» (11)(12)

(A suivre)

Christophe Engels

(1) Rabhi Pierre, Ensemble, faire germer le changement, in Se changer, changer le monde, L'iconoclaste, Paris, 2014, p.162.
(2) Kotsou Ilios et Lesire Caroline, Se changer, changer le monde (Introduction), L'iconoclaste, Paris, 2014, p.8.
(3) Jasper Karl, The Art of Moral Protest: Culture, Biography and Creativity in Social Movements, Chicago University Press, Chicago, 1997.
(4) Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, La Découverte, coll. Repères, Paris, 1996-2011, p.107.
(5) Neveu Erik, idem, p.103.
(6) André Christophe, Se libérer d'une société aliénante, in Se changer, changer le monde, L'iconoclaste, Paris, 2014, pp.41-42.
(7) Kotsou Ilios et Lesire Caroline, Rabhi Pierre et Ricard Matthieu, Répondre au mal-être contemporain, in Se changer, changer le monde, L'iconoclaste, Paris, 2014, p.19.
(8) Kotsou Ilios et Lesire Caroline, Rabhi Pierre et Ricard Matthieu, idem, p.28.
(9) André Christophe, Se libérer d'une société aliénante, in Se changer, changer le monde, L'iconoclaste, Paris, 2014, pp.44-45.
(10) André Christophe, idem, p.46.
(11) André Christophe, idem, p.47.
(12) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):  
. la fin de notre série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de vie émergents,  
. des analyses sur la social-démocratie, l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel, ont d'ores et déjà été abordés) et l'immigration. 


lundi 18 août 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (49). Le changement? Combien de divisions?...



On parle beaucoup des hommes politiques 
et des syndicalistes.
Ou alors des écologistes.
Sans compter l
es féministes, 
les altermondialistes ou les tiers-mondistes.
Voire les indignés, 
qui ont eu leur heure de gloire. 
Mais quid des autres? 
Quid de ces multiples créa...cteurs de changement 
plus discrets, sinon carrément anonymes?
Ceux qui, en coulisses,
abattent un travail de fond 
qui, pour être moins remarqué, 
n'en est pas nécessairement, 
pour autant, 
moins remarquable.
 
«Pour le grand public, les acteurs de changement, ce sont les hommes et les femmes qui s’impliquent en politique ou les militants "visibles" par leurs actions (manifestations, grèves, pétitions…). 
Pourquoi cette perception qui est, de loin, la plus communément partagée? 
Parce que c’est ce que montrent les médias!» (1)
Ainsi s'exprime le créatif culturel belge Vincent Commenne.
Pas tout à fait à tort, sans doute. 
Même s'il convient de faire la part des choses. 
En précisant, notamment, que la construction médiatique des mouvements et malaises sociaux ne résulte pas, pour l'essentiel, d'un dessein politique des journalistes et des patrons de presse...
«Elle découle, de façon plus compliquée et moins intentionnelle, du réseau des interactions qui structurent le travail médiatique, analyse le sociologue français Erik Neveu.
S'y mêlent les impératifs de la vitesse et de l'information en temps réel, l'impossibilité fréquente d'une enquête dans ces conditions, le peu de travail sur les dossiers d'une partie des journalistes, la pression à produire des images dotées d'une forte charge émotionnelle, elle-même liée à la quête des audiences et financements publicitaires.» (2)
Une façon de travailler qui n'est pas sans danger.
Car elle contribue à mettre les intéressés à la merci du réductionnisme des partis pris interprétatifs...

«Elle aboutit, à l'égard des récepteurs peu familiers du dossier traité, à susciter une perception privée d'épaisseur historique, d'explication des causalités complexes des mobilisations. 
Elle pousse les pouvoirs publics à traiter de façon souvent cosmétique les malaises sociaux pour en prévenir les manifestations plus que pour en combattre les causes. 
Le traitement politique de nombre de problèmes sociaux se trouve ainsi compliqué par le souci journalistique d'en donner une version simple ou frappante.» (3)

Sous-estimation 

Comment, dès lors, s'étonner de la propension des médias à ne relayer que la partie émergée du gigantesque iceberg des néo-activismes?
Sous-estimant ainsi considérablement la portée des courants de pensée et modes de vie émergents. 
Et donnant la fallacieuse impression qu'ils concernent tout au plus deux à trois pour cent de la population.
«Plusieurs études menées aux USA et en Europe amènent sur cet enjeu un regard vraiment différent, réagit Commenne.
Elles montrent que le nombre de gens qui disant "non" à la culture ambiante de consommation à outrance et sans regard pour ses conséquences est devenu très important.»
Reste que, d'un autre côté, l'incapacité, voire le refus, des intéressés à rassembler leurs forces n'est évidemment imputable à personne d'autre qu'à eux mêmes. (4)(5)

(A suivre)

Christophe Engels 


(1) Commenne Vincent, Evaluation des valeurs et des comportements. Un nouveau regard sur les acteurs de changement, Créatifs Culturels en Belgique, 2023, p.5.
(2) Neveu Erik, Sociologie des mouvements sociaux, La Découverte, coll. Repères, 1996-2011, p.110.
(3) Neveu Erik, idem, pp.110-111. 
(4) Commenne Vincent, ibidem, p.5.
(5) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
 . fin d'une série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de vie émergents,
. le cinq centième message de Projet relationnel,

. des analyses sur la social-démocratie, l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel, ont d'ores et déjà été abordés) et l'immigration. 

 

mardi 12 août 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (48) Mutants. «Ou» est là, mais où est «et»?




C'est toi ou moi.
Ton argent ou le mien.
Ton idée ou la mienne.
Ta religion ou la mienne...
 «Ou» est là, non d'un petit bonhomme.
La question mérite d'être posée...



La modernité faisait la part belle au besoin d’agir et de dominer le monde.
Ce que d’aucuns qualifient de «valeurs masculines».
Mais aujourd’hui, un autre paradigme tend à émerger.
C'est le grand retour du féminin.
Reste à préciser ce qu'on entend par là...

Féminin: l'essence et l'existence
  
Le principe féminin ne peut-il pas s'adosser à une double réalité?
. La première serait celle, naturelle, de l'enfantement.
Soit le fait d'accueillir et d'attendre.
Une assise «essentielle», dans les deux sens du terme: fondamentale, donc, mais aussi renvoyant au «vécu».
C'est à dire à l'être (plus qu'au faire ou à l'avoir).
. Deuxième réalité: celle, traditionnelle et culturelle, de la domesticité.
Soit l'intendance, le soin aux enfants et, de là, l'éducation des générations en devenir.
Une dynamique plus «existentielle»: c'est à dire à la fois ancrée dans la vie réelle et enracinée dans la «vivance».
C'est à dire dans le faire.
Au quotidien.

Le trait d'union de la reliance

Alors?
Vécu passif ou vivance active?
Les deux, m...a générale!
Avec un point commun.
Celui de la reliance.
Une triple reliance...

Reliance à soi

Une reliance à soi d'une part. 
Qui ne va pas sans une déliance par rapport à l'ego.
Et qui passe autant par un déficit d'extériorité que par un surplus d'intériorité. 
Par moins d'objectivité de façade et par plus de subjectivité authentique. 
 
Reliance à l'autre 

Une reliance altruiste d'autre part. 
Qui se traduit par moins d'individualisme égocentrique ou égoïste et par plus de générosité empathique. 
Par moins de raison utilitaire et par plus de sentiment.
Par moins d'explication et par plus d'écoute.
Par moins d'impulsivité et par plus de réflexion. 
Par moins de décision péremptoire et par plus d'ouverture. 
Par moins de compétition et par plus de coopération 

Reliance au monde et à l'univers

Une reliance écologique et cosmique enfin.
Qui se marque par moins de raison simplifiante et par plus de complexité.
Par moins de structure et par plus de fluidité. 
Par moins de linéarité et par plus de cycle. 
Par moins de différentiation et par plus de globalisation. 

Reliance globale

Moins de déliance, donc, et plus de reliance.
Ainsi que «mieux de reliance».
Soit globalement...
Moins de principe masculin et plus de principe féminin.
Moins d'intellect viril et plus d'intuition... féminine.
Moins de matériel et plus de spirituel.
Moins de rigidité et plus d'impermanence.
Moins d'absolu et plus de relatif.
Moins d'urgence et plus de «slow».
Moins de précipitation et plus de profondeur. 
Moins de fécondation et plus de gestation.
En résumé? 
Plus et mieux de reliance à soi, à l'autre, au monde et à l'univers. (1)

(A suivre)

Christophe Engels
 

(1) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute):
. suite et fin d'une série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de vie émergents,
.
des analyses sur la social-démocratie, l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel, ont d'ores et déjà été abordés) et l'immigration. 



jeudi 7 août 2014

Courants de pensée et modes de vie émergents (47) Mutants. Masculin de série, féminin en option

Fournies «de série» 
par les cerveaux reptiliens 
et limbiques.
Proposées en «option» 
par le néocortex.
Qui mise moins sur le rapport de force 
que sur la complémentarité


D'un côté, les «valeurs masculines».
Celles, en fait, qui seraient fournies «de série» par l'équipement cérébral le plus ancien.
De l'autre, les «valeurs féminines».
Celles qui, de facto, tireraient parti des «options» proposées par le néocortex.
Une approche à deux étages, donc, qui semble présenter un double avantage...
. D'abord, elle enracine des valeurs un peu éthérées dans le «dur» des neurosciences sans pour autant obliger à se limiter à elles.
. Ensuite, elle ne place les «valeurs féminines» ni en situation d'infériorité ni sur le piédestal d'une supériorité absolue.
Leur apport, en effet, serait de degré plutôt que de nature.
Ce qui permet de dénoncer une imprécision, sinon une imposture.
Celle qu'entretiennent des acceptions très différentes du concept en question (1).
Soit qu'elles le confondent avec l'idée de féminisme.
Soit qu'elles l'opposent radicalement à son contraire (2)... 

Féminisme: qui veut la fin veut les moyens 

«Le féminisme a radicalisé la position féminine (3), explique la psychosociologue française Christine Marsan. 
Beaucoup de femmes se sont prises pour des ersatz d’hommes en cherchant à s’affirmer et à prendre une position dans un monde économique aux valeurs et critères masculins.» (4)
Ce faisant, le «sexe (de moins en moins) faible» a légitimement et opportunément défendu ses intérêts.
Mais cette bataille a eu un prix.
Pour arriver à un tel résultat, il a fallu se compromettre.
Il a fallu frayer avec l'ennemi.
Il a fallu emprunter aux «valeurs masculines»!
«Les vagues féministes ont eu leur utilité car elles ont conduit à l’indépendance des femmes dans bien des domaines et il est normal qu’elles aient pris le modèle masculin pour s’imposer, seule voie qui leur était laissée pour affirmer leurs valeurs et leurs compétences. 
Cependant, cet accès à l’autonomie s’est accompagné de combats et donc s’inscrit toujours dans ce paradigme guerrier, dit "masculin".» (4) 
Une étape nécessaire, sans doute.
Mais dont il convient à tout le moins de veiller à ne pas faire un aboutissement.
Sauf à considérer que l'objectif ne soit plus d'assurer la promotion des «valeurs féminines», mais bien de défendre les intérêts de la femme. 
Ce qui, on l'aura compris, n'est pas, ici, notre propos.

Monopole des «valeurs féminines»: l'excès nuit en tout

Autre erreur: celle qui inciterait à réduire purement et simplement les valeurs que l'on sait à une définition conçue comme l'exact opposé des «valeurs masculines».
Un leurre, évidemment.
Car il ne s'agit pas d'éradiquer le
«camp d'en face», mais de le civiliser.

De l'enrichir.
De le compléter.
Un objectif que certains n'hésitent à placer métaphoriquement sous le signe de l'androgyne.

Androgyne, mon amour

La symbolique de l'androgyne (4) fait écho, pour chacun, au droit et, de plus en plus, au goût
. d'en appeler à des valeurs masculines autant que féminines
. et de «recomposer consciemment en nous de nouveaux repères qui nous font dépasser le clivage homme/femme dans la limitation qu’apportent les rôles sociaux.» (5) 
L’androgyne illustrerait l'émergence d'un nouveau paradigme, nourri d'une multitude de (r)évolutions intérieures.
Ainsi, le biologiste français Joël de Rosnay...
«Les valeurs économiques ne sont pas les seules à contribuer à la construction du monde.
Le rôle des valeurs humaines, morales, spirituelles est fondamental.
Or, celles qui priment aujourd’hui opposent plus qu’elles ne réunissent.
Les composantes majeures du développement économique et social sont la compétition et la concurrence, valeurs justifiées dans le cadre de l’évolution darwinienne et de la lutte pour la vie, mais insuffisantes pour construire la prochaine étape de l’évolution de l’humanité.» (6)(7) 

(A suivre)

Christophe Engels 


(1) Les «valeurs féminines», on l'aura compris. 
(2) Les «valeurs masculines», donc.
(3) Schneider Michel, Big Mother, Odile Jacob, Paris, 2002. ou Alan Touraine, Une société de femmes, Fayard, Paris, 2006. 
(4) Pour autant que de besoin, précisons que l'androgyne est un être qui réunit les caractères des deux sexes. 
(5) Marsan Christine, Au delà du masculin et du féminin, Les cahiers psychologie politique, numéro 11, Juillet 2007. http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=581  
(6) Rosnay Joël de, Valeurs féminines pour construire un monde, Agora Vox, 15 décembre 2005, http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/valeurs-feminines-pour-construire-5337 .
(7) Pour suivre (sous réserve de changement de dernière minute): 
. la suite d'une série de messages consacrés à une réflexion approfondie sur les courants de pensée et modes de vie émergents,
. des analyses sur la social-démocratie, l'écologie politique (après le libéralisme ainsi que l'humanisme démocratique qui, pour rappel, ont d'ores et déjà été abordés) et l'immigration.