dimanche 19 juin 2016

Ce corps social qui se politise et se met en mouvement





















 Martine Evraud












Ces dernières semaines, 
la Belgique aussi a connu 
ses grandes grèves.
Et, fût-ce modestement, 
elle aussi a été emportée 
par le phénomène Nuit debout.
L'occasion 
pour cette syndicaliste du crû 
qu'est Martine Evraud (1)
de dresser ici 
un pertinent constat: 


Grève générale le 22 avril #politique #greve #syndicats #cgsp ...




par Martine Evraud



«Dans la presse du 28 mai (2), le député européen Louis Michel qualifiait l'ample mouvement de grève de manifestation politique.
Quelques jours auparavant, le nationaliste flamand Bart De Wever, copain de classe de son fiston de Premier ministre Charles Michel, dénonçait: "L’inclinaison singulière de la Belgique francophone pour la grève me laisse penser qu’il s’agit de grèves politiques dirigées contre le gouvernement." (3)
Brandir l’arme de la manipulation, fût-elle politique, témoigne d’un gouvernement devenu impuissant face au cahier de route qui lui a été fixé par une Europe ultra-libérale mais surtout face à un peuple en colère qui refuse son asservissement.
Quand cet article paraîtra, le gouvernement aura déjà hurlé, la main sur le cœur, au déni de démocratie, version 16 rue de la Loi (4) de la prise de la Bastille.

Servitude volontaire (5)
ou pourquoi les individus obéissent à leurs maîtres

Dans une interview faite au journal le Figaro (6), Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne, a déclaré que "La réforme du droit du travail voulue et imposée par le gouvernement Valls est le minimum de ce qu'il faut faire."
Il reconnaît que ces réformes sont "imposées" aux États membres par la Commission et validées par ceux-ci sous couvert des différents traités.
Il est cependant important d’intégrer que la Commission européenne n’émet pas des contraintes mais des recommandations que les États peuvent ne pas rencontrer, les jugeant par exemple inadaptées à la santé et au bien-être de son peuple.
Notre société capitaliste a formaté des individus individualisés, des femmes et des hommes sommés d’être responsables, capables de s’assumer, et qui se trouvent dépossédés du monde dans lequel ils vivent.
Nous sommes devenus des assistés responsabilisés.
Pire: présumés coupables du sort qui leur échoit.
Cette dépossession, quand elle s’accompagne, dans un contexte prospère, d’une protection "alimentaire" et de la sécurité est doucement anesthésiante.
Cette douce euphorie, nous l’avons ressentie pendant cinquante ans. 
Des années durant lesquelles la possession matérielle et le sentiment que nos acquis étaient empreints d’éternité nous ont fait perdre nos valeurs de citoyen actif et nous ont fait baisser la garde face à un mouvement libéral dont l’objectif pourtant toujours avoué mais que nous n’avons su déchiffrer était de nous reprendre ces acquis sociaux que les mouvements sociaux de l’après-guerre –nos parents et nos grands-parents– avaient conquis.
Durant toutes ces années, la mécanique capitaliste a œuvré et s’est insinuée, détricotant notre société de solidarité au seul profit d’une poignée, le 1 %, de multinationales et d'actionnaires.

De la destruction de la sécurité sociale 
à la création volontaire de chômage, 
d'emplois aussi précaires que flexibles 
et de pauvreté

Dans ce processus que nous traversons, heureusement ou malheureusement selon qu'on soit exploité ou exploiteur, il vient toujours un point de rupture, ce moment où la coupe est pleine et où le plateau de la balance s’inverse, ce que Pierre Bourdieu nomme le "kairos", le moment opportun.
Ce basculement passe par une prise de conscience de l’ensemble des individus asservis d’une situation qu’ils ne peuvent et ne veulent plus assumer, des individus, syndiqués ou non syndiqués, jeunes et vieux, organisés en mouvement ou isolés, qui se rassemblent en ce que le philosophe Frédéric Lordon appelle le "corps social".
Un corps social qui a le sentiment qu’il n’a plus rien à perdre et qui se met en mouvement contre un "corps politique" qu’il délégitimise et dans lequel il ne croit plus tant il a pu prendre conscience de l'assujettissement du politique à des injonctions bureaucrates qui nuisent à la population.
L’historien François Cusset (7) rappelle les trois étapes nécessaires, ce que Lénine appelait les "circonstances objectives", pour créer les conditions d’une révolte...
• La désignation d’un adversaire commun.
En Belgique comme en France, les modifications de la législation sur le travail ont désigné les gouvernements respectifs comme un adversaire des travailleurs mais également plus globalement du peuple.
Si cette désignation prend sa source dans la modification de cette législation en particulier, elle s'étend ensuite dans tous les actes posés par cet adversaire.
• Le "refus du mirage électoral".
En France, l’abstention bat tous les records et dans le plat pays, les partis "traditionnels" sont entamés par les extrémismes, les syndicats perdent leur monopole et sont rejoints par les mouvements citoyens.
• Un accord sur les moyens d’action.
Selon l’historien, les deux premières conditions sont rencontrées et la troisième tend à s’organiser.
On observe effectivement qu'au niveau des différents mouvements, syndicaux et citoyens, les luttes convergent.
On a pu le constater lors des différentes manifestations, qu’elles soient organisées par les organisations syndicales ou par des mouvements citoyens: les participations à l’une comme à l’autre étaient communes aux différents mouvements.
Les actions citoyennes sont rejointes par l'action syndicale et réciproquement.
Et si les intérêts, les objectifs ou les agendas de ces mouvements pouvaient diverger sur quelques points, ils concentrent ce que le philosophe Jacques Rancière appelait le "pouvoir humanisant de la division".
Soit une expression que l'on pourrait traduire par... "c'est un peu le bordel mais qu'est-ce que c'est humain"!

Réveil citoyen

Les mouvements en question, n'en déplaisent à certains politiques, sont évidemment et par nature des mouvements politiques.
Cependant, ils ne sont pas des mouvements politiques au sens du grec "Politikè", c'est à dire de la lutte de pouvoir au sein de partis politiques mais au sens large du grec "Politikos", c'est-à-dire la participation à la vie de la Cité, à la société.
C'est le réveil citoyen!

Nous rassembler, ne pas rentrer, ne pas revendiquer (8)

Si la concertation au sens large consiste à négocier le poids des chaînes, il est évident que nous n'en voulons plus.
Si la "modernisation de la société" que les gouvernants veulent nous imposer stérilise nos ambitions et nos rêves, nous n'en voulons pas.
Nous voulons dessiner nous-mêmes nos lendemains!» (9)


Martine Evraud (1)


(1) La Belge Martine Evraud (portrait en vis-à-vis du chapeau) est représentante du personnel au Conseil d'administration de l'Université de Liège (ULg) et Présidente de la Confédération des Syndicats Chrétiens (CSC)-Services publics.
(2) Michel Louis, Le déferlement de grèves? Une vaste manipulation politique, Le Soir, 28 mai 2016.
(3) Agence Belga, Pour Bart De Wever, les grèves politiques sont dangereuses, in Le Soir, 26 mai 2016.
(4) Adresse du Premier ministre belge.
(5) La Boétie Etienne de, Discours de la servitude volontaire, 1547.
(6) Delaume Coralie, L'Union européenne assume: la loi El Khomri, c'est elle, Le Figaro du 26 mai 2016.
(7) Cusset François, Quand sautera l’ultime verrou, Politis, n°1401, 22 avril 2016.
(8) Lordon Frédéric, Nous ne revendiquons rien, Le Monde diplomatique, 29 mars 2016.
(9) Ce message fera prochainement l'objet d'une autre parution, sous le titre «Quand le corps social se politise et se met en mouvement», dans l'édition de juin 2016 du trimestriel «R nouvelle» de la Confédération des Syndicats Chrétiens (CSC). Le titre, les illustrations et le chapeau sont de la rédaction.


samedi 11 juin 2016

Indignés d'Afrique. «La paix soit avec nous»







En Afrique 
comme ailleurs, 
il est ardu 
pour les mouvements 
citoyens
de se mettre d'accord 
sur un programme 
commun.
Ils ne s'en attellent 
pas moins 
à cette tâche.
Et parviennent même 
à se rencontrer 
sans difficulté 
sur quelques moyens 
et objectifs.
Dont la non-violence.
Qu'elle relève ou non 
du simple choix 
de circonstance...


Emiettement des luttes, tentatives d'infiltration, financement, légitimité...
Les défis ne manquent pas pour les mouvements citoyens d'Afrique.
Auxquels il arrive de se rencontrer pour faire converger leurs objectifs.
Car autant ces collectifs constituent une incontestable force de changement, autant ils pèchent par les faiblesses liées au caractère hétéroclite de leurs préoccupations.
«C'est très important d'apprendre des autres, confie joliment le Sénagalais Fou maladeY en a marre»).
Nous voulons donner.
Mais nous voulons aussi recevoir.»
Reste la grande question...
La fin justifie-t-elle les moyens?
Et plus spécifiquement: l'objectif de l'émancipation peut-elle s'accommoder d'un recours à l'agression physique?
Pour l'heure, la réponse est non...

L'arme de la... non-violence

«Y en a marre», «Filimbi», «Lucha», «Balai citoyen», «Iyina» et les autres, même combat... non-violent!
Car aucun des «Indignés d'Afrique» n'envisagent -ni explicitement ni, semble-t-il, implicitement- l'hypothèse d'une tentative de prise de pouvoir par les armes.
«Pour nous, la non-violence s'est révélée une arme extrêmement puissante, confie le Sénégalais Aliou Sané («Y en a marre»).
Bien sûr, il est arrivé que nous nous fassions déborder par certains jeunes.
Mais nous étions alors dans le contexte d'une situation qui nous échappait.
C'était donc, en quelque sorte, l'exception qui confirmait la règle.
Une règle générale à laquelle nous n'avons jamais dérogé. 
Notre mot d'ordre ne souffre en effet aucune ambiguité: même si nous avons à affronter les balles des fusils du pouvoir en place, nous n'en continuerons pas moins à faire l'impasse sur le cocktail molotov.»

Notre guerre, c'est tout com'

«La guerre, oui, renchérit le Burkinabé Smockey («Balai citoyen»).
Mais une guerre de communication.
De toute façon, nous n'avons pas vraiment le choix. 
C'est tout ce que nous sommes en mesure de faire. 
Raison de plus pour laisser au pouvoir le monopole des actes de violence. 
Et pour tirer profit non pas de notre propre irascibilité mais de la sienne. 
Car nous pouvons compter sur le soutien de tout un réseau de journalistes et d'hommes de communication. 
Quand violence il y a, nous en conservons la preuve. 
Puis, nous le faisons savoir un peu partout. 
Images à l'appui. 
Et ça marche!»

La non-violence, oui mais...

Une panacée, cette stratégie de non-violence dénonciatrice?
Oui et non.
Oui, donc, -faute de mieux- dans un pays comme le Burkina Faso. 
Mais non dans certains autres. 
Tel le Tchad. 
«Chez nous, le ministre de la sécurité a convoqué une conférence de presse pour faire savoir qu'il réprimerait toute velléité de rassemblement, déplore Didier Lalaye («Iyina»).
On tape sur tout ce qui manifeste. 
Et maintenant qu'on dispose d'engins un peu modernes pour la répression, on asperge d'eau chaude les femmes qui font mine de se soulever. 
En fait, tout mouvement est réprimé aujourd'hui, qu'il soit pacifique ou non.»
Quant à compter sur l'aide des puissances étrangères...
Chat échaudé craint l'eau froide.
«Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'expérience des dernières élections présidentielles n'incite pas vraiment à l'enthousiasme, reprend le même interlocuteur entre-temps affublé d'une moue dubitative qui en dit long.
A peine les bureaux de vote étaient-ils fermés que les commentaires venus de France faisaient état d'un Idriss Déby... caracolant en tête!
Sans que nous ne sachions le moins du monde ce qui incitait les journalistes à se prononcer de la sorte. 
Et alors que, déjà à ce moment-là, nous pouvions nous prévaloir d'enregistrements vidéo qui démontraient des irrégularités.
Le mécanisme des observateurs internationaux, vous savez...
C'est un coup dans l'eau.
Un échec retentissant. 
Un non-événement.
Au Tchad comme ailleurs.
Regardez le Burundi. 
Des observateurs de l'Union européenne sont allés là-bas. 
Sans la moindre efficacité.
Pire: leur présence a apporté une espèce de caution morale au président sortant, Pierre Nkurunziza.
Qui ne s'est pas privé d'en profiter.» (1)


Christophe Engels


(1) Ce message s'inspire notamment d'une soirée/discussion («Nouvelles mobilisations citoyennes en Afrique: Y'en a marre, Balai citoyen, Filimbi») organisée le lundi 11 avril 2016 à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) par le professeur Marie-Soleil Frère et animée par elle ainsi que par Olivier Rogez (Radio France International), en présence du Sénégalais Aliou Sané («Y en a marre»), du Burkinabé SmockeyBalai citoyen»), du Congolais Floribert Anzuluni («Filimbi») et du Tchadien Didier Lahaye, dit CroquemortIyina»).





vendredi 3 juin 2016

«Iyina». Sommeil paradoxal: en avant la musique!


Austère stéthoscope 
sur fond de blouse blanche.
Mais pas que...
Florilège de mots, 
aussi. 
Et festival de notes musicales.
Bienvenue dans le monde

de Didier Lalaye!
Car Docteur Lalaye,
c'est aussi 

Mister «Croquemort».
Deux faces, donc, 
pour un personnage qui,
avec Nadjo Kaina Palmer
et quelques autres,
sert de visage à... «Iyina»!
C'est-à-dire 

«Nous sommes fatigués» 
en arabe local.
Celui d'un Tchad
emporté à son tour 
par la vague 
des mouvements citoyens
«made in Africa»...
































Il s'appelle Didier Lalaye.
Et il peut se prévaloir d'un double parcours...
Le premier, scolaire et universitaire, débouche sur un doctorat en médecine de la Faculté des Sciences de la Santé (FACSS), à l'Université de N'Djamena.
Le second, artistique, mène l'intéressé de formations scripturales en ateliers d'écriture, en passant par de multiples engagements au sein d'associations littéraires.
C'est que le natif (1) de Pala (2) n'a de cesse, pour nourrir sa passion, d'accoucher de nouvelles en tous genres.
Avec multiples prix et récompenses à la clé.
Cerise sur le gâteau: l'intéressé met sa verve d'écrivain au service d'une autre cause (3).
Musicale celle-là.

Place, en effet, à cette poésie urbaine qu'est le slam, au croisement de la littérature et du rap.
Place, aussi, à l'adoption d'un nom d'artiste: «Croquemort».
Et place, dans la foulée, à une reconnaissance nationale et internationale.
De quoi ouvrir des portes à notre homme.
Qui en profite bien...
Sortie d'un premier album dénommé «Dieu bénisse Idéfix» (4) d'une part.
Organ
isation à N'Djamena de la première édition d'un festival labellisé «N'Djam s'enflamme en slam» (5) d'autre part.
Sans compter la consécration d'un Prix de l'innovation numérique (6).
Excusez du peu!
«Doc' Slam» (appellation non contrôlée!) surfe même sur son image pour recueillir les fonds nécessaires au soutien de divers projets sociaux.
Avant, finalement, de se laisser aspirer par la création d'un mouvement citoyen.
Conséquence: le voilà qui contribue, en 2016, à mettre le feu aux poudres de la contestation.
Celle qui émerge dans tout le pays pour s'opposer à la réélection programmée d'un président, Idriss Déby, au pouvoir depuis 1990.

Grosse fatigue

Le «Mouvement Citoyen Iyina» (MCI) est né. 
«Iyina» c'est-à-dire «Nous sommes fatigués» en arabe local.
Coordonné par un certain Nadjo Kaina Palmer, le collectif se compose de jeunes issus, d'une part, de la société civile et, d'autre part, des partis d’opposition.
Autant d'acteurs qui se disent «conscients que seule une union de toutes les forces vives de la nation, éprise de paix et de justice, permettrait de créer les conditions de changement et l'édification d'une république de la nation tchadienne».
L'idée, c'est donc de se donner la main.
Histoire de s'offrir les meilleures chances d'atteindre tout ou partie des cinq objectifs annoncés... 
«Se prononcer sur les questions de gouvernance politique, économique et sociale».
«Lutter pour l'instauration d'un État de droit réel garantissant la liberté d'opinion, la laïcité, la justice et la bonne gouvernance».
«Sensibiliser les jeunes à faire valoir leurs droits en s'appropriant de la gestion publique dans notre pays le Tchad».
«Garantir la liberté de choix et d'opinion pour les jeunes».
«Oeuvrer pour une alternance démocratique par des élections libres et transparentes».

Heureux qui communique...

L'alternance.
Un leitmotiv en Afrique.
Où tant de pays souffrent de la tendance à l'«incruste» des présidents en exercice.  
«Chez nous, un dictateur fait de la résistance depuis 26 ans, rappelle tristement Lalaye.
Pourtant, le Tchad est le seul pays pétrolier qui s'obstine à se maintenir en bas de l'échelle économique.
Et puis, il y a ce mépris qui au fil des ans est devenu très ostentatoire.
Il fallait un mouvement social.
On a commencé avec "Trop, c'est trop".
C'était mieux que rien. 
Seulement, voilà...
Ce collectif a passé trop de temps à se faire une place à l'international.
Les voyages ont succédé aux voyages.
Mais les résultats se sont fait attendre.
D'autant qu'on visait surtout à convaincre les intellectuels.
Qui n'auraient pas dû faire l'objet d'une priorité.
Car ceux qui souffrent au premier chef, ce sont les habitants des milieux ruraux.
Pour plusieurs raisons.
Notamment quantitatives. 
On a coutume de dire qu'il y a 30% de lettrés au Tchad.
Mais de quels lettrés parle-t-on?
Les universitaires?
Dont la plupart rampent au pied de Déby?
Franchement, cette stratégie avait fait son temps. 
D'où la mise sur les fonts baptismaux de "Iyina".
Qui peut se prévaloir du double avantage d'une audience sensiblement plus jeune et d'une proximité beaucoup plus grande avec le peuple.
Depuis sa création, en 2015, "Iyina" est d'ailleurs le premier mouvement qui réussit vraiment à dialoguer avec le Président.»

Ainsi va l'Afrique...

«Iyina»?
Jeune, donc.
Et populaire.
Mais aussi -quoi de plus normal sous la houlette d'un écrivain comme Didier Lalaye?- ... «à la page»!
Fût-elle virtuelle...
«L'appel à la manifestation se passe aujourd'hui par les réseaux sociaux, explique le plus Croquemort de tous les toubibs.
Et on a tout le monde dans la rue.
Il faut dire qu'auparavant, le citoyen ne savait même pas qu'il avait le droit de manifester pacifiquement.
Ni qu'un policier était en infraction quand il vous tapait dessus.
Aujourd'hui, on arrive à parler à tout le monde et à faire sortir tous ces jeunes de chez eux.
Je me souviens par exemple d'une opération sifflet que nous avions organisée pour protester contre le pouvoir en place.
A cinq heures du matin, tout le monde sifflait.
Même des policiers!
Je crois que c'est ce qui a entraîné l'arrestation des leaders du mouvement...»
En mars 2016, quatre opposants ont en effet été arrêtés pour avoir manifesté contre la candidature du président Déby.
Jugés dans la foulée, Nadjo Kaina Palmer (porte-parole de
«Iyina»), Mahamat Nour Ahmed Ibedou (porte-parole de la coalition «Ça suffit»), Younous Mahadjir (secrétaire général de l’«Union des syndicats du Tchad») et Céline Narmadji (porte parole de «Trop c'est Trop») ont été condamnés à quatre mois de prison avec sursis. 
Ils ont alors été relâchés sous condition de s'abstenir, dorénavant, de toute «activité subversive».
Le Docteur Albissaty Saleh Allazam, 
autre militant des Droits de l'homme, n'a pas eu cette chance.
Ainsi va encore trop souvent l'Afrique... (7)


Christophe Engels


(1) Didier Lalaye est né en 1984.
(2) Dans la région de Mayo-Kebi.
(3) En 2010.
(4) En 2011.
(5) En 2013.
(6) A Abidjan d'abord, en 2014, puis à N'Djamena, en 2015.
(7) Ce message s'inspire notamment d'une soirée/discussion («Nouvelles mobilisations citoyennes en Afrique: Y'en a marre, Balai citoyen, Filimbi») organisée le lundi 11 avril 2016 à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) par le professeur Marie-Soleil Frère et animée par elle ainsi que par Olivier Rogez (Radio France International), en présence du Sénégalais Aliou Sané («Y'en a marre»), du Burkinabé Smockey («Balai citoyen»), du Congolais Floribert Anzuluni («Filimbi») et du Tchadien Didier Lahaye, dit Croque-Mort Iyina»).