vendredi 23 septembre 2016

«Regarde-les bien, ces déracinés...»



«Regarde-les donc bien,
ces apatrides...»
«Regarde-les bien, 
ces déracinés...»
«Regarde-les bien, 
ces hommes entassés 
à l'arrière du bateau...»
Invitait déjà 
l'Autrichien Stefan Zweig...















«Regarde-les donc bien, ces apatrides, toi qui as la chance de savoir où sont ta maison et ton pays, toi qui à ton retour de voyage trouves ta chambre et ton lit prêts, qui as autour de toi les livres que tu aimes et les ustensiles auxquels tu es habitué. 

Regarde-les bien, ces déracinés, toi qui as la chance de savoir de quoi tu vis et pour qui, afin de comprendre avec humilité à quel point le hasard t'a favorisé par rapport aux autres.

Regarde-les bien, ces hommes entassés à l'arrière du bateau et va vers eux, parle-leur, car cette simple démarche, aller vers eux, est déjà une consolation;
et tandis que tu leur adresses la parole dans leur langue, ils aspirent inconsciemment une bouffée de l'air de leur pays natal et leurs yeux s'éclairent et deviennent éloquents.»




Stefan Zweig


(1) Zweig Stefan, Voyages, Belfond, Paris, 1902-1939.


mardi 20 septembre 2016

Congo Kinshasa. Le risque de l'implosion






















La République          
démocratique          
du Congo          
est au bord du précipice.          
S'alarme          
Human Rights Watch.          
Qui, dans un rapport (1)          
publié ces jours-ci,          
conjure          
de mettre fin          
à la répression          
et de promouvoir          
les principes          
démocratiques.          
Des          
recommandations          
qui résonnent          
comme          
des supplications...          


«Les décisions du gouvernement de la République démocratique du Congo concernant sa prochaine élection présidentielle seront cruciales pour l’avenir du pays.»
Ainsi s'exprime Human Rights Watch
Dont le rapport résume des recherches menées ces deux dernières années.
Soit une période au cours de laquelle le gouvernement n'a pas lésiné sur la répression à l'égard des activistes autant que des dirigeants et membres des partis qui se sont opposés à la prolongation de la présidence de Joseph Kabila au-delà de la limite constitutionnelle fixée à deux mandats et prenant fin le 19 décembre 2016. 
Au-delà de l'analyse, le document y va aussi de ses «recommandations pour dissuader d’autres violations des droits humains et empêcher une crise plus large dans les semaines et les mois à venir.»

Dialogue national: info ou intox? 

«Un "dialogue national" dirigé par le gouvernement est censé présenter son accord final dans les prochains jours, rappelle l'association
La plupart des principaux partis d’opposition n’ont pas participé à ce processus, le considérant comme un stratagème pour retarder les élections et permettre au Président Kabila de se maintenir au pouvoir. 
Des activistes et des groupes d’opposition ont appelé à des manifestations à l’échelle du pays, et ce à partir du 19 septembre, soit trois mois avant la fin du mandat de Kabila et au moment où, selon les exigences de la constitution, la commission électorale doit annoncer les élections présidentielles.»

Répression faite 

«La répression gouvernementale a connu une forte hausse dans les jours menant aux manifestations projetées. 
Dans la capitale, Kinshasa, au moins une dizaine des jeunes activistes pro-démocratie ont été arrêtés après une réunion tenue le 15 septembre sur la non-violence, la paix, et le respect de la constitution. 
Ils sont détenus par l’agence nationale de renseignements, sans inculpation et sans accès à leurs familles ou à des avocats.
Le 16 septembre, des policiers dans la ville de Lubumbashi, au sud-est du pays, fait usage de gaz lacrymogène et, plus tard, tiré à balles réelles pour disperser des membres de partis d’opposition qui se réunissaient pour préparer les manifestations du 19 septembre. 
Certains participants de la réunion ont répondu en lançant des pierres, en brûlant des pneus, en bloquant des rues, puis en pillant plusieurs commerces et bureaux. 
Des dizaines de personnes ont été arrêtées tôt le lendemain matin.
Le 17 septembre, des policiers et des agents des services de renseignements ont arrêté un activiste des droits de l'homme, Patrick Pindu, à son domicile à Kinshasa, peu de temps après avoir participé à une réunion de la société civile sur les élections. 
Il a été libéré le lendemain sans inculpation, sous condition qu’il se présente à l’agence de renseignements tous les 15 jours.» 

La croisée des chemins 

«Pour contribuer à prévenir la violence, les représentants du gouvernement et les membres des forces de sécurité devraient respecter les droits des personnes aux libertés d’expression et de réunion, et autoriser le déroulement de manifestations pacifiques et de meetings politiques. 
"Les décisions que le Président Kabila et son gouvernement vont prendre dans les prochaines semaines peuvent faire toute la différence pour l’avenir de la R.D.C., a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. 
Il s’agit d’une opportunité cruciale de consolider la démocratie, l’État de droit, et les droits humains dans le pays. 
Tout profit, le cas échéant, pour le futur.
Celui du Congo lui-même.
Et celui de la région toute entière."» (1)






mercredi 14 septembre 2016

Nuit debout. Divergence des luttes?







































C'était en 2011.
Projet relationnel se penchait
sur les cas des Indignés.
Et mettait le doigt
sur plusieurs difficultés,
dans le fond et dans la forme.
Indignation aussi confuse
qu'hétérogène et disparate.
Engagement trop réactif
et trop peu défini,
tant dans son intensité
que dans son objet.
Pour faire bref,
la nébuleuse s'agrégeait 

davantage dans le rejet que dans le projet.
Et péchait, du coup, par manque de colonne vertébrale.
Cinq ans plus tard,
Nuit debout
allait-il tirer les leçons
de ce (relatif)
constat d'échec?
A lire Gazette debout (1),
il semble bien que non...




«Après bientôt six mois à observer le phénomène Nuit Debout et ses satellites, certaines problématiques majeures ressortent clairement. 
Où faut-il aller? 
Comment les décisions sont-elles prises? 
On retrouve aussi un sujet récurrent: celui des multiples désaccords qui s’expriment au sein des discussions et qui tournent parfois au déchirement. 
Les affrontements peuvent prendre le dessus et donnent de malheureux résultats. 
Il y a des irréconciliables à Nuit Debout, les débats n’y sont que plus passionnés.

Ces sujets de désaccords sont nombreux. 
Certains restent persuadés que ces mésententes sont uniquement politiques, mais il existe aussi des querelles de pouvoir, des affaires personnelles et des préjugés naturels qui alimentent certains conflits. 
Il faut aussi parler des lourdes responsabilités de celles et ceux qui prennent position, des responsabilités qui les amènent à l’épuisement, ou à l’explosion.

Il y a d’abord un courant anarchiste à Nuit Debout qui trouve tout le plaisir d’exprimer sa liberté d’expression, sa liberté d’inventer un nouveau modèle et sa liberté de désobéir dans la dignité. 
Il faut que notre monde ait pris bien des restrictions pour que quelques amoureux de la liberté soient contraints à se réunir sur les places publiques pour retrouver un souffle. 
Les anarchistes sont les premiers à avoir compris les mécanismes politiques et humains à Nuit Debout, et cela dès les premiers mois.

On trouve ensuite un courant humaniste, dont je fais partie, qui affirme sa volonté de «laisser faire le mouvement social» dans le sens de l’acceptation des revendications des uns et des autres, dans la continuité d’une philosophie ancrée dans le réel. 
Lorsque des milliers de citoyens se réunissent sur les places publiques pour s’entendre, c’est qu’il y a bien un problème à identifier. 
On croise de nombreux intellectuels à Nuit Debout qui comprennent la force du mouvement à élever la conscience générale, celle qui libère des fausses certitudes et des soumissions. 
Ce mouvement de construction de la pensée politique est nécessaire à notre quotidien. 
C’est en Nuit Debout qu’est apparu un nouveau sens de la liberté, un savoir tout particulier qui amène chacune et chacun à l’émancipation.

S’est également attaché à Nuit debout un mouvement «patriote», qui ressent dans cette impulsion des perspectives pour la France contraires à celles de la tyrannie et des programmes autoritaires.
Aujourd’hui la démocratie est asphyxiée, les patriotes ont vu un intérêt général à la réoxygéner. 
Un tabou s’est imposé au fil des mois sur la dimension nationale du mouvement, avec une certaine hantise du drapeau français et de l’héritage républicain; c’est ce qui a rendu une part non méprisable des participantes et des participants silencieux. 
En s’ouvrant, on constate que la dimension locale est fréquemment mise de côté au profit d’une ambition plus large. 
Ce courant démocrate reste assez ancré dans le mouvement, avec l’idée qu’il y aurait en Nuit debout l’avenir du pays dans ce qu’il a de plus constructif.

Nuit Debout est très majoritairement traversée par un discours anticapitaliste, mais celui-ci reste très mesuré, presque effacé. 
Un vrai mouvement anticapitaliste amène des décisions majeures, et une remise en question de l’exhibition capitaliste. 
On pourrait envisager un véritable combat contre l’exaltation du capitalisme tant celle-ci entrave les libertés. 
Ceux qui ne prêtent pas allégeance au culte populaire du capital deviennent immédiatement les ennemis de la nation. 
Dans une époque où la laïcité contraint à pratiquer ses cultes chez soi, les utopies capitalistes ne devraient pas être répandues en lieu public; Nuit Debout reste cependant très discrète sur ce terrain-là, se positionnant plus aisément contre le gouvernement en place ou pour des réformes du code du travail.

Il existe enfin une autre tendance, celle des participantes et participants qui ne croient absolument pas en la capacité de Nuit Debout à proposer un nouveau modèle de société. 
Il y a celles et ceux qui considèrent que Nuit Debout est un simple terrain de jeu
Ce sont des individus qui n’adhèrent pas au message politique, mais ils ont trouvé dans ce mouvement ce qu’ils n’ont pas trouvé ailleurs: un lieu commun où s’intégrer enfin. 
Ils n’ont pas conscience des enjeux, ils les ignorent, mais savent qu’ils trouveront là ce dont ils ont besoin pour vivre. 
Leur présence est sincère, c’est le désir de participer à ce qu’il se passe aujourd’hui.

Récemment, des propositions ont été faites pour dépasser les désaccords. 
Nous ne pourrons pas échapper aux questions les plus préoccupantes. 
À la Nuit debout de Paris, une Commission médiation s’est créée mercredi dernier, le 7 septembre, afin d’anticiper les conflits. 
D’autres ont proposé de créer un organe décisionnaire qui oblige chacune et chacun à accepter un consensus. 
Tout bouge, rien n’est immobile. 
Les débats reprennent à Nuit Debout, et nous ne sommes pas sûrs de ce qui en ressortira demain.» (2)


Alan Tréard 
pour la Gazette debout (1)


(1) Gazette debout est le journal indépendant de Nuit debout.
(2) Le message ci-dessus est repris intégralement de Tréard Alan, Confrontations à Nuit debout, in Gazette debout, 13 septembre 2016.